Les nations africaines les plus durement touchées par les menaces de droits de douane élevés de l’administration Trump ont connu un bref répit début avril 2025 avec la suspension temporaire de ces mesures. Cependant, cette pause de 90 jours ne dissipe pas les profondes incertitudes qui pèsent sur des secteurs clés comme le textile, la vanille et les agrumes, exportés vers les États-Unis. Pire, elle s’inscrit dans un contexte de doute majeur quant au renouvellement de l’Accord sur la Croissance et les Opportunités en Afrique (AGOA), qui expire en septembre 2025.
Un Répit Temporaire, une Incertitude Profonde
Le Lesotho, Madagascar et l’Afrique du Sud figuraient parmi les pays menacés par les taux de droits de douane « réciproques » les plus élevés sous l’administration Trump. Le Lesotho, petit royaume montagneux, a été particulièrement choqué par la perspective d’un taux de 50%, le deuxième plus élevé après la Chine, avant l’annonce de la suspension. Madagascar faisait face à 47% et l’Afrique du Sud à 30-31%.
Si la suspension offre une « opportunité de négocier » selon le ministre du Commerce du Lesotho, Mokhethi Shelile, l’incertitude demeure omniprésente. De nombreuses délégations commerciales avaient déjà été envoyées à Washington où elles se préparaient à négocier, conscientes que des dizaines de milliers d’emplois et des pans entiers de leurs industries dépendaient de l’issue.
Le Lesotho : Le Textile Sous Pression Concurrentielle
Au Lesotho, près de la moitié des 30 000 travailleurs du secteur de l’habillement et du textile fabriquent des vêtements pour des marques américaines renommées (Levi’s, Nike, Reebok…). Ce secteur est le plus grand employeur privé du pays. La menace principale résidait dans le taux de 50%, qui aurait anéanti la compétitivité face à des concurrents régionaux comme le Kenya ou l’Eswatini, soumis à des taux bien plus bas (parfois seulement 10%). Selon les autorités, ce désavantage aurait pu entraîner la fermeture d’une dizaine d’usines et la perte de plus de 12 000 emplois. La suspension est un soulagement, mais la crainte persiste tant qu’une solution pérenne n’est pas trouvée.
Madagascar : La Vanille dans la Course Contre la Montre
À Madagascar, qui produit 80% de la vanille mondiale, la suspension a été accueillie avec un certain soulagement par les exportateurs. Cependant, l’incertitude a provoqué une ruée pour expédier la vanille vers les États-Unis (le plus grand marché de Madagascar) pendant la période de suspension. Avec un temps de transit de 70 à 90 jours par bateau, les exportateurs craignent l’imposition de nouveaux droits à l’arrivée, compte tenu de la volatilité des politiques commerciales américaines récentes. La menace initiale d’un tarif de 47% planait lourdement sur cette filière essentielle.
Afrique du Sud : Les Agrumes et le Spectre de la Fin de l’AGOA
Pour l’Afrique du Sud, les droits de douane initiaux de 30% menaçaient 35 000 emplois dans le secteur des agrumes, vital pour l’économie de certaines régions. Ces exportations vers les États-Unis se font principalement lorsque les agrumes sont hors saison en Amérique du Nord. La suspension offre une « bouffée d’oxygène », selon Boisthoko Ntshabele, PDG de l’Association des Producteurs d’Agrumes d’Afrique Australe.
Toutefois, une taxe générale de 10% maintenue par les États-Unis continue de frapper les premières exportations d’agrumes de l’année, alors qu’elles bénéficiaient auparavant d’un accès en franchise de droits grâce à l’AGOA.
L’ombre la plus menaçante reste l’expiration prochaine de l’AGOA en septembre 2025. Cet accord, vieux de 25 ans, bénéficie à des dizaines de pays africains mais son renouvellement est jugé très incertain. L’imposition récente de tarifs élevés est interprétée par beaucoup comme un signe que l’accord ne sera pas reconduit, plongeant les économies dépendantes de cet accès préférentiel dans une grande précarité. L’industrie des agrumes sud-africaine plaide pour une exemption, arguant de la complémentarité et non de la concurrence directe avec les producteurs américains.
Adapté de l’article original de The Independent, mis à jour avec des informations contextuelles récentes.