Sous le soleil éclatant de Yamoussoukro, un dôme de verre et de marbre se dresse, défiant le ciel. Jadis moquée pour sa démesure, la basilique Notre-Dame de la Paix est devenue, au fil du temps, bien plus qu’un monument : un miroir de la foi, de l’audace et de la fierté ivoirienne.
Un Rêve de Pierre et de Lumière
C’était un pari fou. En 1983, Félix Houphouët-Boigny, père de l’indépendance ivoirienne, décide de bâtir une basilique dans son village natal, Yamoussoukro. Une offrande à Dieu, dit-il. Un geste de gratitude.
Sur ses propres terres, il fait don de 130 hectares de cocoteraies et confie la conception de l’édifice à l’architecte ivoiro-libanais Pierre Fakhoury. Trois années plus tard, surgit du sol la basilique Notre-Dame de la Paix : un joyau colossal, inspiré de Saint-Pierre de Rome… mais plus haute de deux mètres.
« Au début, tout le monde se moquait », raconte Jude Khane, fidèle et vendeur de carnets de prière. « Trop grand, trop cher, trop ambitieux. Mais aujourd’hui, tout le monde la visite, tout le monde en parle. »
De la Controverse à la Fierté nationale
Lorsqu’elle est inaugurée en 1990 par le pape Jean-Paul II, la basilique suscite autant d’admiration que de critiques. Certains y voient un excès, d’autres une œuvre divine. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 100 000 tonnes de béton, 84 colonnes monumentales, 7 367 m² de vitraux, et une croix culminant à 158 mètres.
Mais plus que sa taille, c’est son symbole qui fascine.
« Ce n’est pas seulement un lieu de prière, c’est un emblème », confie Anne-Brigitte, une habitante de Yamoussoukro. « Quand on entre, on sent quelque chose de plus grand que soi. »
Peu à peu, les rires ont laissé place à la fierté. La basilique est devenue un repère, une carte postale, une prière gravée dans le marbre.
« Ce n’était pas de l’argent perdu », sourit Nicolas, un touriste venu d’Abidjan. « C’est notre Tour Eiffel à nous. »
Une Œuvre qui Relie Ciel et Terre
Sous le dôme, la lumière joue avec les vitraux colorés. Les visiteurs lèvent les yeux, fascinés. Certains murmurent une prière, d’autres restent sans voix. Sur l’un des vitraux, on distingue une silhouette familière : le président Houphouët-Boigny, agenouillé, les mains jointes. Comme s’il priait encore pour son pays.
« Quand les gens découvrent ce vitrail, il y a toujours un silence », raconte Ruth Gueu, guide de 28 ans. « C’est un moment de communion, une émotion partagée. »
Chaque année, plus de 300 000 visiteurs du monde entier foulent les allées de marbre de la basilique. Certains viennent pour prier, d’autres simplement pour admirer. Tous repartent changés.
De la Foi au Patrimoine
Pour Youssouf Fofana, un Ivoirien vivant en Italie, cette visite était un pèlerinage :
« On a vraiment battu tout le monde ! C’est gigantesque, c’est beau, c’est ivoirien. »
À ses côtés, Olivier Mbrah, venu du Mali, reste bouche bée :
« Sur les vidéos, c’est déjà impressionnant, mais ici, c’est autre chose. Houphouët était un visionnaire. »
Aujourd’hui, la basilique Notre-Dame de la Paix dépasse les frontières de la foi. Elle est devenue un symbole d’unité, un trait d’union entre tradition et modernité, entre ciel et terre.
« C’est notre lumière », conclut Ruth avec un sourire. « Quand le soleil se couche, les vitraux s’embrasent. On dirait que le ciel descend sur Yamoussoukro. »

