Nichée dans la moiteur verdoyante des collines de Freetown, une mélodie de cris et de bruissements a de nouveau repris. Après cinq mois de silence, le sanctuaire de Tacugama, véritable havre pour chimpanzés orphelins, a rouvert ses portes. Un geste porteur d’espoir, mais aussi d’un avertissement : la nature ouest-africaine ne peut plus attendre.
Une Pause pour Alerter le Monde
Le 26 mai dernier, les lourdes grilles du sanctuaire s’étaient refermées. Décision radicale, presque désespérée. « Notre fermeture n’a jamais été un choix. C’était un cri d’alarme », confie Bala Amarasekaran, fondateur du site.
Depuis trois décennies, cet amoureux de la faune consacre sa vie à sauver des chimpanzés dont les familles ont été massacrées par le braconnage ou la déforestation.
Mais la menace s’est rapprochée. Le Parc national de la péninsule occidentale, pourtant classé, se dénude peu à peu : près d’un tiers de ses 18 000 hectares ont disparu depuis 2012. Accaparement illégal, coupes sauvages, exploitation anarchique : la forêt recule, les cris des primates s’éteignent.
Face à l’urgence, Tacugama a choisi le silence pour mieux se faire entendre.
Un sanctuaire Symbole de Résistance
Cinq mois durant, les soigneurs ont continué à nourrir, soigner et éduquer leurs pensionnaires, dans une atmosphère d’incertitude. Sans les visites des touristes, les revenus se sont effondrés. Les familles locales, qui dépendent du site, ont elles aussi souffert.
Mais cette épreuve a aussi suscité un sursaut : la mobilisation internationale s’est organisée, et le gouvernement sierra-léonais a promis d’agir contre l’accaparement illégal des terres.
Le 1er novembre, les portes se sont rouvertes. Non pas comme avant, mais avec la promesse d’un renouveau.

L’Espoir au Cœur de la Forêt
Aujourd’hui, le sanctuaire de Tacugama n’est plus seulement un refuge : c’est un modèle d’écotourisme africain. Les visiteurs peuvent y découvrir les coulisses d’un projet unique : apprendre à de jeunes chimpanzés à grimper, à reconnaître les fruits, à vivre ensemble, avant de les réintroduire, quand c’est possible, dans leur habitat naturel.
Les écolodges du site, construits en matériaux locaux, offrent une immersion totale dans la forêt tropicale. Pour la Sierra Leone, encore marquée par les stigmates de la guerre civile, ce type de tourisme représente un moteur économique et identitaire.
Chaque visite soutient directement la conservation, l’emploi local et l’éducation environnementale.
Entre Nature et Avenir
Mais la vigilance reste de mise. Le chimpanzé d’Afrique de l’Ouest, espèce classée « en danger critique d’extinction » par l’UICN, continue de voir son territoire se réduire.
Protéger Tacugama, c’est protéger bien plus qu’un sanctuaire : c’est défendre l’âme verte d’une nation.
«Les chimpanzés ne sont pas seulement nos cousins. Ils sont le reflet de notre rapport à la nature
Bala Amarasekaran, fondateur du Tacugama
Et dans cette forêt qui reprend vie, chaque cri d’animal, chaque feuille qui tremble, semble murmurer la même chose : tant qu’il y a espoir, la nature peut renaître.

