La Tanzanie vient de franchir une étape majeure dans la planification de son avenir économique. Ce 25 juin, à Dar es Salaam, le gouvernement a officiellement lancé son « Évaluation des Besoins Technologiques » (TNA), une feuille de route stratégique élaborée avec la Banque de Technologie des Nations Unies. Loin d’être un simple rapport de plus, ce document identifie avec une grande précision les technologies prioritaires qui devront être déployées pour transformer les deux secteurs les plus vitaux du pays : l’agriculture et l’économie bleue. C’est un plan de bataille pour passer d’une économie de ressources à une économie de l’innovation.
Le Diagnostic : Identifier les « Technologies Clés »
Une « Évaluation des Besoins Technologiques » est un processus structuré, souvent lié aux engagements climatiques d’un pays, qui vise à répondre à une question centrale : quelles sont les technologies spécifiques qui auront le plus grand impact sur le développement durable ? Pour la Tanzanie, l’analyse a conclu que l’avenir se jouait sur deux fronts : l’agriculture, qui emploie la majorité de la population, et l’économie bleue, le potentiel immense de ses 1 400 km de côtes. Le rapport priorise deux grandes familles de technologies : les technologies de gestion des données (plateformes numériques, télédétection) et les technologies climato-intelligentes (agriculture de précision, biotechnologies marines).
Ce rapport TNA est profondément ancré dans l’appropriation nationale ; c’est un guide pratique pour bâtir un avenir résilient et durable. — Hon. Shaaban Ali Othman, Ministre de l’Économie Bleue et de la Pêche
L’Économie Bleue : De la Pêche Artisanale à la Gestion par Satellite
L’économie bleue est une priorité absolue de la vision de développement de la Tanzanie. Le TNA fournit les outils pour concrétiser cette ambition.
- La Télédétection (Remote Sensing) : Cette technologie, qui utilise des données satellitaires, est une arme redoutable pour la gestion durable des ressources marines. Elle permet de surveiller les zones de pêche pour lutter contre la pêche illégale, de cartographier la santé des récifs coralliens et des herbiers marins, et d’optimiser les routes maritimes. C’est un passage d’une gestion approximative à un pilotage par la donnée.
- La Culture Tissulaire d’Algues : L’algoculture est une source de revenus majeure pour des dizaines de milliers de femmes dans les zones côtières, notamment à Zanzibar. Cependant, cette industrie est menacée par les maladies et la hausse de la température de l’eau. La biotechnologie de la culture tissulaire permet de développer des variétés d’algues plus résilientes et plus productives, sécurisant ainsi les revenus de milliers de familles.
L’Agriculture : La Précision comme Arme contre le Changement Climatique
Pour un secteur agricole qui représente près d’un tiers du PIB et deux tiers des emplois, la modernisation est une question de survie. Le TNA met l’accent sur l’agriculture de précision. Concrètement, cela signifie utiliser des drones pour surveiller la santé des cultures, des capteurs dans le sol pour optimiser l’irrigation et l’usage des engrais, et des applications mobiles pour donner aux agriculteurs des informations météo et de marché en temps réel. L’objectif est de produire plus et mieux, avec moins de ressources et un impact environnemental réduit.
Au-delà de la Technologie, le Défi du Financement et des Compétences
Le rapport est une feuille de route, pas une solution miracle. Sa mise en œuvre se heurte à des défis majeurs. « J’encourage une action coordonnée et l’investissement de tous les partenaires », a insisté le Ministre Shaaban Ali Othman. Le financement sera le nerf de la guerre. L’étude recommande au pays de développer des « documents bancables » pour faciliter l’obtention de prêts et la mise en place de partenariats public-privé. L’autre défi est humain. Le déploiement de ces technologies de pointe exigera un effort massif de formation pour créer un écosystème de talents locaux – data scientists, ingénieurs agronomes, biologistes marins, techniciens de maintenance – capables de s’approprier ces outils. Comme l’a conclu Deodat Maharaj de la Banque de Technologie de l’ONU, « ceci est un appel à l’action ». La Tanzanie a sa feuille de route. La transformer en prospérité partagée sera le grand test des années à venir.