Face à la montée du protectionnisme mondial et aux incertitudes pesant sur les accords commerciaux préférentiels comme l’AGOA, le Secrétaire Général de la ZLECAf, Wamkele Mene, lance un appel pressant. L’unité et l’accélération du marché unique africain sont vitales pour la résilience économique du continent.
Face à la montée du protectionnisme mondial et aux incertitudes pesant sur les accords commerciaux préférentiels comme l’AGOA, le Secrétaire Général de la ZLECAf, Wamkele Mene, lance un appel pressant. L’unité et l’accélération du marché unique africain sont vitales pour la résilience économique du continent.
Un Vent Protectionniste Souffle sur le Commerce Mondial
Le paysage commercial international est marqué par une instabilité croissante et la résurgence de politiques protectionnistes de la part de grandes puissances économiques. Qu’il s’agisse de tarifs douaniers unilatéraux, de nouvelles barrières non tarifaires ou de tensions géopolitiques impactant les chaînes d’approvisionnement, les économies africaines, souvent dépendantes de leurs exportations de matières premières et d’un accès préférentiel aux marchés occidentaux ou asiatiques, se retrouvent particulièrement vulnérables. Ce contexte rend la diversification des partenaires commerciaux et le renforcement des marchés intérieurs plus urgents que jamais.
AGOA, la Fin d’une Préférence Unilatérale ?
L’African Growth and Opportunity Act (AGOA), qui offre depuis 2000 un accès en franchise de droits au marché américain pour de nombreux produits de pays d’Afrique subsaharienne éligibles, arrive à échéance en 2025. Son renouvellement est sujet à débat et incertitudes politiques aux États-Unis. Wamkele Mene, dans une interview accordée à CNBC Africa (vraisemblablement en réaction à des mesures passées ou anticipées), a livré une analyse sans concession, estimant que l’AGOA était « pratiquement mort » en raison de l’impact potentiel de mesures tarifaires et non tarifaires américaines globales qui en neutraliseraient les bénéfices. Rappelant que l’AGOA a toujours été une « préférence unilatérale » accordée par les États-Unis (et non un accord négocié), il souligne la précarité d’une dépendance à la « bienveillance des autres ». Des pays comme l’Afrique du Sud, le Nigeria, mais aussi Madagascar, le Lesotho ou le Kenya, qui ont bénéficié de l’AGOA, sont directement concernés par cette incertitude.
« L’Union Fait la Force » : Le Plaidoyer de Mene Pour une Afrique Unie
Face à ces vents contraires, le message du Secrétaire Général de la ZLECAf est clair : l’isolement est une impasse. « Il n’y a pas un seul marché en Afrique qui survivra seul », a-t-il martelé. Selon lui, les tentatives de négociations bilatérales face à des géants économiques sont vouées à l’échec. La seule stratégie viable pour le continent est de faire bloc : « Nous devrons nous appuyer sur nos efforts combinés, notre taille de marché combinée (plus de 1,3 milliard d’habitants, un PIB cumulé de 3,4 trillions USD), notre part de marché combinée et notre population combinée. » Cette unité africaine dans les négociations commerciales est présentée comme la condition sine qua non pour défendre les intérêts du continent.
Accélérer la ZLECAf, De l’Accord à la Réalité du Terrain
La réponse stratégique à cette vulnérabilité externe réside, selon Wamkele Mene, dans l’accélération de la mise en œuvre effective de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf). L’objectif est de dynamiser le commerce intra-africain, encore faible (autour de 15-20% du commerce total du continent, même si les chiffres récents montrent une progression – 208 milliards USD en 2024, +7,7% selon Afreximbank). La ZLECAf vise à créer un marché unique pour les biens et services, favorisant la diversification économique, la montée en gamme industrielle et la création d’emplois. M. Mene cite l’exemple de l’Éthiopie qui, après avoir perdu certains avantages de l’AGOA, aurait réussi à réorienter et même doubler ses exportations vers la Chine, prouvant qu’une diversification rapide est possible. Pour faciliter cette accélération, les ministres africains du Commerce étudient une simplification des modalités de réduction tarifaire, jugées trop complexes et datant d’un contexte (2017) différent de celui d’aujourd’hui.
Surmonter les Obstacles à l’Intégration Continentale
Si l’ambition de la ZLECAf est immense et les premiers chiffres encourageants, les obstacles à une intégration réelle restent considérables. Au-delà de la réduction des tarifs douaniers, il est crucial de s’attaquer aux barrières non tarifaires (procédures administratives, normes, réglementations restrictives), qui représentent souvent un coût bien plus élevé pour les entreprises. Des mécanismes en ligne existent (comme tradebarriers.africa) pour les signaler, mais leur résolution demande une forte volonté politique nationale et régionale. Les défis logistiques (coûts de transport élevés, infrastructures portuaires et terrestres insuffisantes – malgré les modernisations en cours) et le besoin d’harmonisation réglementaire demeurent également des freins majeurs. Enfin, comme le souligne Wamkele Mene, le paradoxe d’un continent important massivement des denrées alimentaires (50 milliards USD par an pour les céréales) alors qu’il possède un énorme potentiel agricole interne illustre le chemin à parcourir pour bâtir des chaînes de valeur régionales efficaces.
Bâtir l’Autonomie Stratégique par le Marché Intérieur
Le message de Wamkele Mene résonne comme un appel à l’autonomie stratégique pour l’Afrique. Face à un environnement international imprévisible où les préférences commerciales unilatérales peuvent être remises en cause, la construction d’un marché intérieur africain vaste, fluide et dynamique n’est plus une option mais une nécessité vitale. La ZLECAf offre le cadre institutionnel pour cette ambition historique. Transformer cet accord en une réalité économique tangible, capable de stimuler la production locale, de réduire les dépendances externes et de créer des millions d’emplois pour une population jeune et croissante, exige désormais une volonté politique sans faille et une mobilisation de tous les acteurs – États, institutions régionales, secteur privé – pour lever les obstacles et faire du commerce intra-africain le véritable moteur du développement continental.