Un accord discret, signé en juin sur le campus du Massachusetts Institute of Technology (MIT), pourrait bien représenter un tournant dans la manière dont les partenariats Nord-Sud sont conçus. Loin des schémas classiques d’aide au développement ou d’extraction de ressources, le MIT-Africa Program a lancé une initiative pilote avec l’Angola, en collaboration avec la compagnie pétrolière nationale Sonangol et l’université ISPTEC. L’objectif affiché n’est pas de donner, mais de « co-créer du savoir » pour préparer l’un des géants pétroliers du continent à l’ère de l’après-pétrole.
Le Pivot Angolais : Du Pétrole à la Connaissance
Pour comprendre l’importance de ce partenariat, il faut saisir le contexte de la transformation angolaise. L’Angola, dont l’économie dépend de manière écrasante des hydrocarbures, a engagé un plan de diversification ambitieux. Pour le ministre des Ressources minérales, du Pétrole et du Gaz, Diamantino Pedro Azevedo, présent lors de la signature, « ce partenariat marque une étape cruciale dans l’engagement du gouvernement à faire du savoir la pierre angulaire de la transformation économique du pays ». L’implication de Sonangol, le mastodonte public, est au cœur de cette stratégie. L’entreprise, qui cherche à se muer en une compagnie énergétique diversifiée, a non seulement co-initié le projet mais est également devenue le premier membre africain subsaharien du prestigieux Industrial Liaison Program (ILP) du MIT. Ce programme permet aux entreprises du monde entier de puiser directement dans les ressources de recherche et d’innovation de l’université. C’est une démarche proactive pour accéder à une R&D de classe mondiale.
Il ne s’agit pas d’un projet de développement traditionnel. Il s’agit de construire de véritables partenariats ancrés dans la rigueur académique, l’innovation et la curiosité partagée.
Ari Jacobovits, Directeur Général, MIT-Africa
Le Modèle MIT : Co-Création et « Valeur dans les Deux Sens »
Ce qui rend cette initiative unique, c’est sa philosophie, résumée par Mai Hassan, directrice du corps enseignant de MIT-Africa : « une plateforme d’apprentissage mutuel ». Le programme n’est pas conçu comme un transfert de connaissances à sens unique, mais comme un échange. « En travaillant avec des partenaires angolais, nous acquérons de nouvelles perspectives et des opportunités d’innovation qui bénéficient à la fois au MIT et à nos collaborateurs », explique-t-elle. Cette approche se matérialise par deux actions concrètes dès la prochaine année académique :
- « Global Classroom » : Un cours du MIT sur les « technologies géo-spatiales pour la surveillance environnementale » sera directement enseigné sur le campus de l’ISPTEC à Luanda. Cette technologie est cruciale pour l’Angola, lui permettant de surveiller ses opérations pétrolières offshore, de lutter contre la déforestation et de gérer ses ressources en eau.
- « Global Teaching Labs » : Des étudiants du MIT se rendront à l’ISPTEC pour enseigner des matières scientifiques et techniques, notamment sur les énergies renouvelables, via des ateliers pratiques.
Un Partenariat d’Égal à Égal
L’insistance de tous les acteurs sur la nature de ce partenariat est frappante. « Nous arrivons avec la volonté d’apprendre autant que d’enseigner », précise Ari Jacobovits, le directeur général de MIT-Africa. Cette approche « bottom-up », conçue « dès le départ avec nos partenaires de l’ISPTEC et de Sonangol », rompt avec les modèles où les programmes sont conçus à Washington ou à Genève avant d’être « livrés » sur le terrain. Pour Sonangol, l’enjeu est de taille. « Ces accords renforcent non seulement nos capacités d’innovation et de technologie, mais créent aussi des opportunités de développement durable et d’excellence opérationnelle », a déclaré son PDG, Gaspar Martins. En s’associant au MIT, la compagnie nationale ne cherche pas seulement à améliorer ses performances dans le pétrole, mais à acquérir les compétences pour devenir un leader de la transition énergétique en Afrique.
Ce projet pilote est bien plus qu’une simple collaboration universitaire. C’est un test pour un nouveau modèle de coopération, où l’investissement dans le capital humain et la co-création de solutions technologiques remplacent l’aide traditionnelle. Si ce modèle réussit, il pourrait devenir un blueprint pour d’autres pays riches en ressources naturelles qui cherchent à bâtir leur avenir sur une fondation plus durable : la connaissance.
