Alors que le calendrier cyclonique s’apprête à s’ouvrir sur l’Atlantique, tous les regards se tournent vers Haïti. L’île caribéenne, déjà prise dans un étau de violences chroniques et de crise humanitaire, pourrait vaciller sous le coup d’une seule tempête. Une menace qui n’est pas seulement météorologique, mais systémique.
Une vulnérabilité extrême, à tous les étages
Haïti, classé parmi les pays les plus pauvres du continent américain, est en proie à une insécurité alimentaire aiguë qui touche près de la moitié de sa population, soit plus de deux millions de personnes. Dans un tel contexte, la moindre perturbation naturelle peut avoir des effets dévastateurs. Mais cette année, la saison des ouragans s’annonce particulièrement intense, selon les projections des spécialistes.
Un pays livré à lui-même
Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, Haïti n’a toujours pas retrouvé une gouvernance stable. L’administration, fragmentée et débordée, peine à coordonner les réponses aux urgences. Pendant ce temps, les gangs armés ont pris le contrôle de la majorité de Port-au-Prince, étendant peu à peu leur emprise sur le reste du territoire. Dans cette atmosphère d’impunité, l’accès humanitaire est devenu un véritable parcours du combattant.
Des entrepôts vides face à la tempête
Lola Castro, directrice régionale du Programme alimentaire mondial (PAM), a récemment lancé une alerte lors d’une session onusienne. Selon elle, l’organisation n’a plus les moyens matériels ni financiers de faire face à une catastrophe imminente : « Nous abordons cette saison avec des entrepôts vides, sans ressources pour acheter localement ni distribuer en urgence. Une seule tempête pourrait précipiter des centaines de milliers de personnes dans la famine et l’exil. »
Un appel de fonds resté sans réponse
Le PAM a chiffré à 46 millions de dollars le montant nécessaire pour se préparer aux scénarios les plus critiques. Or, la communauté internationale tarde à se mobiliser, malgré l’évidence du risque. En l’absence de fonds, la logistique reste à l’arrêt, et les populations les plus exposées — notamment les femmes et les filles — voient grandir les menaces qui pèsent sur leur sécurité et leur dignité.
Quand l’urgence devient chronique
Haïti semble vivre dans une boucle de catastrophes qui s’enchaînent et se nourrissent les unes des autres. Sans intervention rapide et coordonnée, la prochaine tempête ne fera pas que souffler sur les toits et les récoltes : elle pourrait balayer ce qu’il reste de cohésion sociale. Le monde peut-il encore regarder ailleurs ?