De La Réunion à Madagascar, en passant par le Mozambique, les Seychelles et Maurice, les territoires de l’océan Indien affrontent simultanément crises sanitaires, défis climatiques et tensions économiques. Chacun adapte sa réponse selon ses leviers politiques, ses ressources locales et sa place dans les dynamiques régionales. Tour d’horizon d’une région en pleine recomposition.
1. La Réunion : sortir de l’urgence sanitaire sans baisser la garde
Après des mois marqués par la flambée du chikungunya, l’île de La Réunion semble voir la lumière au bout du tunnel. Les dernières données de Santé publique France indiquent une baisse notable des cas début juin, même si la vigilance reste de mise après plus de 53 000 contaminations en six mois.
Dans ce climat d’apaisement progressif, les autorités régionales misent sur une relance sociale. Un programme d’insertion de 1,2 million d’euros vise à réintégrer 420 bénéficiaires du RSA. En parallèle, l’engagement écologique se renforce : de nouvelles fontaines d’eau potable en libre accès émergent, et la 11e édition du Festival de l’Océan mobilise largement autour de la préservation littorale et de l’économie bleue.
2. Mozambique : l’économie espère, la sécurité freine
La province de Cabo Delgado reste marquée par des violences jihadistes qui compromettent les perspectives du mégaprojet gazier porté par TotalEnergies. Bien que les analystes tablent sur des recettes exceptionnelles à long terme, les réalités locales sont plus sombres : attaques non médiatisées, villages isolés, reconstructions lentes.
Les séquelles des cyclones Chido et Dikeledi compliquent encore la donne. Infrastructures dévastées, agriculture touchée, déplacements de population : la reconstruction devient une priorité absolue, avec pour ambition de bâtir une résilience durable plutôt que conjoncturelle.
3. Seychelles : santé publique et transition douce
Souvent citées en exemple pour leur gestion environnementale, les Seychelles s’attaquent désormais à un autre fléau : l’obésité. L’OMS a salué les mesures engagées fin mai : campagnes de sensibilisation dans les écoles, traitements gratuits pour les maladies chroniques, programmes de dépistage élargis.
Ces initiatives sont d’autant plus cruciales que l’hypertension et le diabète touchent plus de 40 % des adultes entre 55 et 74 ans. Un véritable tournant sanitaire pour un pays où écologie et santé forment un tandem stratégique.
4. Maurice : rigueur budgétaire et fiscalité verte
Avec son budget 2025–2026, Maurice affiche des ambitions claires : diviser par deux le déficit public et alléger le poids de la dette. En ligne de mire : passer de 9,8 % à 4,9 % de déficit en un an, tout en réduisant la dette publique à moins de 80 % du PIB d’ici trois ans.
Ce redressement repose sur une meilleure collecte fiscale, mais aussi sur des apports extérieurs, notamment les 90 millions de livres sterling versés par le Royaume-Uni dans le cadre de l’accord sur les Chagos. Sur le front écologique, l’instauration d’une taxe touristique (3 euros/nuit) contribuera à financer la transition verte, tandis que l’État adapte ses politiques à une population vieillissante dans le cadre d’une « silver economy » naissante.
5. Madagascar : diplomatie verte et soutien français
Sur la scène internationale, Madagascar renforce sa voix en matière de climat. Lors de la conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC3) à Nice en juin, le pays a plaidé pour un soutien accru à la protection de ses écosystèmes côtiers, menacés par la montée des eaux.
Dans la foulée de la visite d’État d’Emmanuel Macron à Antananarivo en avril, plusieurs accords bilatéraux ont été conclus dans l’énergie, l’éducation et l’agriculture. En ligne de mire : le financement du barrage hydroélectrique de Volobe, un projet structurant attendu depuis plus de dix ans.
Les réponses à la crise ne sont ni uniformes ni linéaires dans l’océan Indien. Chaque territoire navigue selon ses priorités, oscillant entre contraintes de court terme et enjeux de long terme. Si les défis persistent, les dynamiques de résilience — bien que fragmentées — tracent peu à peu les contours d’une gouvernance régionale plus affirmée.