Un pas vers le changement ou une manœuvre de survie ?
À Khartoum, la nouvelle a surpris autant qu’elle a soulevé l’espoir. Dimanche soir, moins de 24 heures après avoir prêté serment, Kamil Idris, fraîchement nommé Premier ministre du Soudan, a dissous le gouvernement de transition en place. L’annonce, relayée par l’agence nationale SUNA, marque un tournant décisif dans un pays miné par deux années de guerre civile.
Un pays à reconstruire, un État à refonder
Depuis le coup d’État militaire de 2021, le Soudan vivait sans chef de gouvernement. En avril 2023, la situation a basculé dans l’horreur : la rupture entre l’armée nationale et les Forces de soutien rapide (RSF), groupe paramilitaire redouté, a dégénéré en conflit ouvert. Des combats féroces ont éclaté à Khartoum, avant de s’étendre à l’ouest, notamment au Darfour.
Dans son premier discours officiel, Idris n’a pas mâché ses mots. Il a appelé les soutiens étrangers des RSF à « cesser immédiatement leurs opérations criminelles ». Une manière de désigner, sans les nommer, certains États du Golfe accusés d’alimenter la guerre par procuration. Il a aussi promis de « servir le peuple soudanais avec sincérité et dévouement ».
Un conflit aux conséquences humanitaires dévastatrices
Le bilan est accablant. Au moins 24 000 morts, selon les estimations officielles, et des millions d’autres laissés pour compte. On parle de plus de 14 millions de déplacés, dont plus de 4 millions ont franchi les frontières vers des pays voisins déjà fragiles.
Le Darfour, une fois de plus, est devenu le théâtre d’atrocités : massacres ciblés, viols systématiques, villages rasés. L’ONU et plusieurs ONG évoquent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
Pire encore, la famine menace. Cinq zones du pays sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë, avec l’épicentre dans le Darfour. Le tissu économique est en lambeaux, les hôpitaux fermés, les écoles détruites.
Le pari fragile d’un homme seul
Kamil Idris hérite d’un pays fracturé, au bord de l’effondrement. Son geste fort, celui de dissoudre l’exécutif dès sa prise de fonction, est aussi un message : la reconstruction commence maintenant, mais elle ne se fera pas sans résistance. Reste à savoir s’il aura les moyens, le soutien populaire et la stabilité militaire nécessaires pour tenir ses engagements.