Coup de théâtre en Namibie : la présidente Nandi-Ndaitwah annonce la gratuité des universités publiques dès 2026. Une promesse populaire faisant écho à #FeesMustFall, mais dont le financement flou soulève d’énormes questions sur sa viabilité et interpelle la région.
L’Annonce Namibienne, un Écho aux Revendications Continentales
Lors de son premier discours sur l’état de la nation fin avril 2025, Netumbo Nandi-Ndaitwah, fraîchement investie première femme présidente de la Namibie, a marqué les esprits. Annonçant que l’enseignement supérieur public (les deux universités d’État et les sept centres de formation technique et professionnelle – TVET) deviendrait « 100% subventionné » à partir de l’année académique 2026, elle a explicitement fait référence aux luttes étudiantes passées : « Nous avons entendu vos cris : ‘Les frais sont tombés’ (‘Fees have Fallen’) ». Cette décision s’inscrit dans une tendance continentale où la pression pour un accès plus large et plus abordable à l’enseignement supérieur est forte, cristallisée notamment par le mouvement #FeesMustFall en Afrique du Sud. L’objectif affiché est de lutter contre le chômage élevé des jeunes et d’améliorer les opportunités pour la vaste population jeune du pays.
Le Financement, Talon d’Achille d’une Promesse Ambitieuse
Si l’annonce est symboliquement forte, sa mise en œuvre financière suscite de vives interrogations. La Présidente a précisé que cette gratuité (suppression des frais d’inscription et de scolarité) se ferait sans ajout « significatif » de fonds publics, en s’appuyant sur les subventions existantes et une réintégration du fonds d’aide aux étudiants (NSFAF) au sein du ministère. Bien qu’un budget pluriannuel (N$25 milliards sur 5 ans) soit évoqué dans les plans du parti au pouvoir, des critiques (comme celles de l’ARSC ou d’économistes) pointent le risque d’une équation intenable. Les craintes portent sur un possible plafonnement des inscriptions, une inévitable dégradation de la qualité de l’enseignement faute de moyens suffisants par étudiant, ou une restriction future de la mesure aux seuls plus démunis.
Le Précédent Sud-Africain, une Leçon Douce-Amère
L’expérience de l’Afrique du Sud post-#FeesMustFall incite à la prudence. La politique de gratuité mise en place via le NSFAS, bien qu’ayant élargi l’accès pour les plus pauvres, a exclu une partie de la classe moyenne (« missing middle ») et a exercé une pression considérable sur les finances publiques et celles des universités, alimentant un débat constant sur sa soutenabilité et ses effets réels sur la qualité et les infrastructures éducatives, souvent sous-dimensionnées.
Quelles Implications pour les Pays de la Zone Focus Austral ?
L’initiative namibienne, par son ambition et ses questionnements, interpelle directement Madagascar, Maurice, les Seychelles, les Comores et les pays côtiers d’Afrique de l’Est. Dans cette région où l’accès à l’enseignement supérieur de qualité reste un défi majeur, conditionné par des coûts souvent élevés et des systèmes d’aide limités (malgré des initiatives comme les bourses Maurice-Afrique), la décision de la Namibie pourrait nourrir les débats politiques locaux. Elle souligne la tension universelle entre la volonté d’élargir l’accès à l’éducation supérieure – moteur essentiel de développement du capital humain – et la contrainte budgétaire des États. L’enjeu pour ces pays sera de trouver leur propre modèle de financement durable, peut-être moins radical mais plus réaliste, combinant soutien public ciblé, participation privée, et mécanismes innovants, sans sacrifier la qualité et la pertinence des formations par rapport aux besoins de l’économie et de l’employabilité.
Financer l’Avenir, le Défi Universel de l’Enseignement Supérieur Africain
Au final, l’annonce namibienne, au-delà de son cas spécifique, agit comme un puissant révélateur du défi crucial du financement durable de l’enseignement supérieur sur tout le continent africain. L’équation est complexe : comment démocratiser l’accès sans niveler la qualité par le bas ? Comment assurer que les investissements dans l’éducation supérieure se traduisent réellement en compétences adaptées et en croissance économique inclusive ? Il est évident qu’une simple suppression des frais de scolarité, si elle n’est pas accompagnée d’une stratégie de financement robuste, d’une gouvernance universitaire rigoureuse et d’une vision claire de l’adéquation avec le marché du travail, risque de créer plus de problèmes qu’elle n’en résout. Le pari namibien sera suivi de près, mais la recherche de modèles soutenables reste une priorité absolue pour toute la région.