Un geste de défi. Une affirmation d’autodétermination. Lors du second Sommet Africain sur le Climat (ACS2) à Addis-Abeba, les dirigeants du continent ont esquissé les contours d’une ambition monumentale : mobiliser 50 milliards de dollars par an pour une nouvelle initiative dédiée aux solutions climatiques. Le déficit de financement est abyssal. Et l’ordre mondial, fracturé — symbolisé par le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris. Dans ce contexte, comme le révèle une dépêche de l’agence Reuters, l’Afrique ne se positionne plus en victime. Elle se veut architecte de sa propre résilience.
De Nairobi à Addis-Abeba : L’Afrique Change de Récit
Cette nouvelle initiative est l’aboutissement logique du changement de paradigme amorcé lors du premier Sommet à Nairobi en 2023. La Déclaration de Nairobi avait alors martelé un message clé : l’Afrique n’est pas seulement vulnérable, elle est aussi un pôle de solutions. Le Sommet d’Addis-Abeba passe de la déclaration à l’action. Il vise à créer les instruments financiers pour concrétiser cette vision : le « Pacte Africain pour l’Innovation Climatique » et la « Facilité Climatique Africaine ». L’objectif, selon le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, parrain de l’initiative, est de catalyser « 1000 solutions climatiques » d’ici 2030. Cette posture proactive a été résumée par le président kényan William Ruto lors du sommet précédent : « Nous ne sommes pas venus ici pour nous plaindre. Nous sommes venus proposer des solutions, non seulement pour nous-mêmes, mais pour le monde entier. »
Le continent ne demande plus la charité, il bâtit ses propres instruments.
3 000 Milliards contre 30 : Le Gouffre qui Étouffe l’Afrique
La nécessité d’une telle initiative est dictée par une réalité chiffrée brutale. Le projet de déclaration du sommet le rappelle : pour atteindre ses objectifs climatiques d’ici 2030, l’Afrique a besoin de plus de 3 000 milliards de dollars. Or, entre 2021 et 2022, elle n’a reçu que 30 milliards de dollars de financements climatiques. L’équation est intenable. Elle illustre la faillite des promesses internationales, notamment celle, jamais tenue, des 100 milliards de dollars par an des pays riches. Ce déficit est aggravé par la baisse de l’aide publique au développement, qui force les pays africains à trouver de nouvelles sources de financement pour ne pas sacrifier leur développement.
3 000 milliards de besoins, 30 milliards reçus : l’équation est intenable.
Agir sans Attendre Washington
La démarche africaine est aussi une réponse à un environnement géopolitique dégradé. Le retrait annoncé des États-Unis de l’Accord de Paris crée un vide de leadership et de financement. Face à ce désengagement, les dirigeants africains signalent qu’ils n’attendront pas un consensus mondial hypothétique pour agir. Cette stratégie proactive vise à renforcer leur propre agence et à diversifier leurs partenariats. L’initiative cherche à créer des projets « bancables » capables d’attirer une myriade d’investisseurs : banques de développement comme la BAD, fonds souverains du Golfe, investisseurs privés et autres partenaires comme la Chine ou l’Union Européenne. C’est une reconnaissance pragmatique que dans un monde multipolaire, la prospérité dépend de la capacité à mobiliser des ressources de toutes parts.
De la Vision aux Actes : La Vraie Bataille Commence
L’annonce d’Addis-Abeba est une démonstration de volonté politique. Le véritable défi, cependant, sera celui de l’exécution. Des initiatives panafricaines ambitieuses par le passé, comme la Grande Muraille Verte, ont montré les difficultés à traduire les visions politiques en projets concrets, faute de gouvernance adéquate et de financements pérennes. Pour que la « Facilité Climatique Africaine » ne reste pas une coquille vide, elle devra faire preuve d’une transparence et d’une efficacité irréprochables pour attirer les capitaux privés, qui restent frileux. L’hôte du sommet, l’Éthiopie, a mis en avant ses propres projets – son programme de reforestation et son méga-barrage hydroélectrique – comme preuves de concept. Le succès de cette nouvelle architecture financière panafricaine déterminera si le continent parviendra à transformer la plus grande crise de notre temps en une opportunité de développement vert et résilient.

