Le Mozambique franchit une étape décisive avec le soutien de la Banque mondiale pour le projet hydroélectrique Mphanda Nkuwa, estimé à 5-6 milliards de dollars incluant les lignes de transmission, le plus ambitieux d’Afrique australe en un demi-siècle. Positionné sur le fleuve Zambèze, 60 kilomètres en aval du barrage de Cahora Bassa, ce complexe de 1 500 mégawatts ambitionne de combler le déficit énergétique régional de 10 000 MW et d’électrifier les 33 millions d’habitants du pays d’ici 2030. Au-delà de l’accès domestique, ce développement promet des exportations d’énergie vers l’Afrique du Sud et le Zimbabwe, générant des devises essentielles pour une économie en diversification, tout en alignant le pays sur les Objectifs de développement durable.
Un Témoignage Humain Au Cœur De La Transformation Énergétique
Dans le village de Siduava, près de Maputo, Hermínio Guambe, coiffeur de 48 ans, incarne l’impact concret de l’électrification (Associated Press, juillet 2025). Autrefois contraint à un salon sans électricité, il utilise désormais des sèche-cheveux, dynamisant son activité et favorisant des emplois locaux. Comme l’a déclaré Ajay Banga, président de la Banque mondiale, lors de sa visite en juillet 2025 (Associated Press), « l’électricité n’est pas seulement de la lumière, c’est une opportunité ». Ce récit reflète une avancée nationale : l’accès à l’électricité a doublé, passant de 31 % en 2018 à 60 % en 2024, grâce à 563 000 connexions domestiques par Electricidade de Moçambique (EDM). Selon le rapport ProEnergia de la Banque mondiale (septembre 2025), plus de 514 000 ménages ont été connectés entre 2020 et 2024, bénéficiant à 2,6 millions de personnes.
Le Projet Mphanda Nkuwa : Un Partenariat Public-Privé Stratégique
Développé par un consortium incluant Électricité de France (EDF) à 40 %, TotalEnergies à 30 % et Sumitomo Corporation à 30 % (EDF, décembre 2023), le barrage Mphanda Nkuwa entrera en service en 2031, produisant 1 500 MW pour atténuer le déficit régional. La Banque mondiale n’assure pas un financement direct mais apporte un soutien hybride : financements concessionnels pour les volets légaux, environnementaux et les lignes de transmission, ainsi que des garanties contre les risques politiques et partiels. Ce modèle favorise des initiatives à fort impact pilotées par le privé, dans un contexte où les aides au développement diminuent au profit d’incitations innovantes. Selon le Fonds monétaire international (FMI, avril 2025), cette stratégie pourrait limiter la dépendance aux donateurs, mais elle interroge la dette publique mozambicaine, à 17 milliards de dollars au premier trimestre 2025, avec un ratio dette/PIB projeté à 97,5 % et un risque élevé de détresse (DSA FMI 2024). Le projet créera environ 7 000 emplois pendant la construction et 3 000 permanents, dont 95 % pour des Mozambicains (EDF, 2023).
Défis Régionaux Et Potentiel Hydroélectrique Inexploité
L’Afrique subsaharienne abrite 85 % de la population mondiale sans électricité, un défi exacerbé par la croissance démographique. Au Mozambique, EDM prévoit 600 000 connexions en 2025, mais la vastitude du territoire impose des solutions hors réseau comme le solaire, qui représente 10 % de l’accès et souligne une diversification essentielle. L’hydroélectricité demeure sous-exploitée : selon la Banque mondiale et l’International Hydropower Association, 90 % du potentiel africain est inutilisé, malgré des initiatives majeures comme le barrage de la Renaissance éthiopien (5 150 MW, inauguration officielle en septembre 2025, partiellement opérationnel depuis 2022) et Inga 3 au Congo (phase initiale soutenue par 250 millions de dollars de la Banque mondiale en juin 2025). Ces projets pourraient être exportés vers le Nigeria ou l’Afrique du Sud, mais requièrent une coordination pour éviter les tensions hydriques.
| Indicateur | Valeur 2018 | Valeur 2024 | Projection 2030 | Commentaire | Source |
| Accès à l’électricité (%) | 31 | 60 | 100 (objectif) | Ambitieux via mix hydro/solaire et hors réseau | Banque mondiale |
| Connexions domestiques (milliers) | – | 563 | 600 (annuel) | Accélération via ProEnergia et initiatives privées | EDM / Ministère des Finances |
| Dette publique (milliards USD) | – | 17 | – | Risque élevé avec ratio 97,5 % dette/PIB | Ministère des Finances / FMI |
| Potentiel hydroélectrique inexploité (%) | – | 90 | – | Opportunité régionale mais sensible au climat | Banque mondiale / IHA |
Légende
Synthèse des indicateurs clés pour l’électrification au Mozambique. Source : Banque mondiale, Ministère des Finances du Mozambique, International Hydropower Association, FMI.
Risques Environnementaux Et Mesures D’Atténuation
Malgré ses bénéfices, Mphanda Nkuwa pose des risques environnementaux sur les écosystèmes du Zambèze, incluant des perturbations des flux fluviaux et des impacts sur la biodiversité aquatique. Des études de la Banque mondiale (2025) soulignent des effets potentiels sur les inondations saisonnières et la pêche en aval, atténués par des analyses d’impact environnemental et social actualisées, intégrant des débits écologiques minimaux. Le projet, de type « run-of-river » avec un réservoir limité, minimise les inondations massives, mais nécessite une surveillance rigoureuse pour préserver le delta du Zambèze, site Ramsar vital.
Perspectives Économiques Et Diversification Énergétique
Mphanda Nkuwa générera des devises via des exportations, renforçant une économie riche en gaz, hydro et solaire, déjà premier exportateur excédentaire en Afrique australe. Des experts comme Evaristo Cumbane, consultant à Maputo, plaident pour des sources locales modestes dans les zones rurales isolées, exploitant rivières, soleil et vents abondants. La dette croissante reste un frein : le FMI (2025) alerte sur un ratio à 97,5 %, imposant une transparence dans le financement sans dons directs. Banga insiste sur un modèle « orienté affaires », mais Cumbane prévient : « La Banque mondiale n’est pas un parrain ; ce sont des affaires. » Le solaire, à 10 % des connexions, complète l’hydro pour une diversification résiliente.
Vers Une Vision Prospective : L’Énergie Comme Catalyseur Inclusif Et Aligné Sur Les ODD
Malgré un passé marqué par la guerre civile et l’insurrection islamiste au nord – qui a gelé un projet gazier de 20 milliards de TotalEnergies –, le Mozambique illustre la résilience via l’électrification. Dans des quartiers comme celui d’Aurélio Arlindo à Maputo, où des poteaux électriques promettent un kiosque à boissons, émerge l’espoir transformateur. À l’horizon 2030, Mphanda Nkuwa universaliserait l’accès, catalysant une intégration régionale au sein de la Mission 300 (Banque mondiale/AfDB : 300 millions connectés en Afrique subsaharienne). En promouvant des partenariats hybrides et des solutions décentralisées, l’Afrique australe exploiterait ses 90 % de potentiel hydroélectrique inexploité, propulsant une croissance durable alignée sur l’ODD 7 (énergie propre), face aux défis climatiques et démographiques.

