Le commerce mondial se transforme. Les échanges entre pays du Sud – Afrique, Asie, Moyen-Orient – ne cessent de croître, contournant les circuits classiques Nord-Sud. Dans cette redistribution des cartes, l’océan Indien, longtemps périphérique, émerge comme un pont naturel entre ces régions.
D’Addis-Abeba à Jakarta, de Mombasa à Mumbai, les flux économiques s’intensifient. Le Sud ne veut plus être simple exportateur de matières premières ou client des pays du Nord : il devient acteur d’un nouveau réseau économique multipolaire.
Ports et Corridors : un Enjeu d’Infrastructures
Pour répondre à cette dynamique, plusieurs ports de l’océan Indien s’équipent. Colombo, Mombasa, Port-Louis ou Toamasina bénéficient d’investissements massifs dans la modernisation de leurs terminaux et l’élargissement de leurs capacités logistiques.
Ces efforts sont souvent soutenus par des partenariats avec la Chine, l’Inde ou les Émirats arabes unis, qui cherchent à ancrer leur influence sur ces nouveaux axes maritimes. La Belt and Road Initiative a notamment financé des infrastructures portuaires et ferroviaires dans plusieurs États côtiers.
Mais la concurrence entre ports, l’absence d’un réseau intégré et le déficit d’infrastructures secondaires (routes, entrepôts, douanes) freinent la fluidité de ces échanges.
Une Coopération à Renforcer
Le véritable défi est politique : une coordination régionale plus forte est nécessaire. Si l’Indian Ocean Rim Association (IORA) tente de jouer ce rôle, son action reste limitée.
Des accords bilatéraux existent, mais une vision intégrée du commerce Sud-Sud dans l’océan Indien fait encore défaut. Harmoniser les normes, faciliter les échanges, investir conjointement dans la logistique : autant d’étapes nécessaires pour transformer le potentiel en puissance.
Un Levier pour la Croissance Inclusive
Pour les pays insulaires et côtiers, cette nouvelle donne est une opportunité de diversification économique. Agro-industrie, pêche, transformation locale, logistique, numérique : l’intégration aux circuits Sud-Sud peut générer des revenus, de l’emploi et réduire la dépendance aux exportations brutes.
Les échanges régionaux ont aussi l’avantage d’être plus résilients face aux chocs globaux, comme l’ont montré les perturbations post-Covid ou la crise en mer Rouge.
Rivalités et Diplomatie économique
Mais l’océan Indien n’est pas un espace neutre. Il attire les ambitions de nombreuses puissances : Chine, Inde, États-Unis, France, Turquie, Émirats… La militarisation croissante de la zone, l’installation de bases navales et les stratégies d’influence rendent le jeu diplomatique complexe.
Les économies insulaires doivent donc manœuvrer habilement pour tirer profit des investissements tout en évitant les pièges de la dépendance.
L’océan Indien n’est plus une simple voie de passage : il devient un espace stratégique du commerce mondial. En misant sur le commerce Sud-Sud, les pays riverains peuvent jouer un rôle majeur dans la nouvelle carte de la mondialisation. Mais pour cela, ils devront s’unir, investir et affirmer une vision régionale partagée.
