C’est une image qui en dit plus long que tous les communiqués diplomatiques. La chaise vide du Secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent, à la réunion des ministres des Finances du G20 à Durban, en Afrique du Sud. Loin d’être un simple contretemps, cette absence est un acte politique délibéré, le symbole d’une rupture profonde qui paralyse la gouvernance économique mondiale et transforme ce qui devait être un forum de coopération en une arène de confrontation.
La Chaise Vide de Bessent : Un Boycott qui Parle Plus Fort que les Discours
La décision de l’administration Trump de ne pas envoyer son grand argentier à Durban est la conséquence directe de l’escalade des tensions entre les États-Unis et le bloc des BRICS. Washington a récemment brandi la menace d’une « super-taxe » de 10% contre tout pays s’alignant sur les politiques jugées « anti-américaines » de l’alliance. En choisissant de snober une réunion aussi cruciale, les États-Unis envoient un message brutal : le temps du multilatéralisme et du consensus est révolu. Désormais, la participation américaine aux grandes messes mondiales est conditionnée par l’alignement des autres sur ses positions. C’est une manière de signifier que le G20, dans sa forme actuelle, a perdu sa pertinence aux yeux de Washington face à la montée en puissance d’un bloc jugé hostile.
En Coulisses, les BRICS Affûtent leurs Armes Financières
La réaction américaine, aussi radicale soit-elle, n’est pas sans cause. Car pendant que Washington boude, les BRICS avancent leurs pions. L’information majeure qui filtre des discussions préparatoires au G20, et qui explique en grande partie la crispation américaine, est l’intention du bloc de lancer son propre système de paiement commun. Cette initiative est une attaque frontale contre l’architecture financière mondiale post-1945. En créant une alternative au système interbancaire SWIFT, dominé par l’Occident, les BRICS cherchent à créer un écosystème financier parallèle, à l’abri des sanctions et de la pression politique du dollar. Pour la Russie, la Chine, et leurs partenaires, c’est l’arme ultime de la « dédollarisation » et le pilier d’un nouvel ordre économique multipolaire.
L’Afrique du Sud, Hôte et Arbitre d’un Match Impossible
Prise en étau, l’Afrique du Sud se retrouve dans la position la plus inconfortable qui soit. En tant que membre fondateur des BRICS et pays hôte du G20, Pretoria espérait utiliser ce sommet pour briller sur la scène internationale et se poser en pont entre les puissances. Elle se retrouve à présider un divorce. Les responsables sud-africains s’efforcent de minimiser les tensions et d’appeler à l’unité, mais la réalité est implacable. La « photo de famille » du G20 de Durban est amputée d’un de ses membres les plus importants, et le pays se retrouve à gérer les conséquences d’une polarisation qu’il ne peut contrôler, illustrant le dilemme de nombreuses puissances moyennes dans ce nouvel ordre mondial.
Le G20, Victime de la Nouvelle Guerre Froide Économique
Créé pour être le « comité directeur » de l’économie mondiale après la crise financière de 2008, le G20 apparaît aujourd’hui paralysé, victime de la nouvelle guerre froide qui oppose les États-Unis à l’axe sino-russe. Le forum qui devait incarner la coopération est devenu le théâtre de la confrontation. Les grands défis mondiaux – dette des pays pauvres, régulation financière, changement climatique – risquent d’être relégués au second plan, éclipsés par la lutte pour l’hégémonie. L’absence américaine à Durban n’est pas anecdotique ; elle pourrait bien marquer la fin du G20 comme instance de gouvernance mondiale efficace.
Le monde qui se dessine à Durban est un monde fracturé en blocs concurrents. La question pour les nations n’est plus simplement de savoir comment coopérer, mais de plus en plus de choisir son camp. La chaise vide de Scott Bessent n’est pas seulement un symbole ; c’est peut-être l’acte de naissance de ce nouvel ordre mondial.