Et si la révolution agricole africaine venait… du ciel ?
Sur un continent baigné de soleil, des milliers d’exploitants peinent encore à irriguer leurs terres ou à conserver leurs récoltes faute d’électricité fiable. Pourtant, une énergie propre, durable et abondante est là, au-dessus de leurs têtes. L’enjeu : transformer cette ressource naturelle en moteur de développement agricole.
Une promesse solaire sous-exploitée
Longtemps considéré comme une bénédiction naturelle pour les cultures, le soleil pourrait désormais devenir une source d’énergie stratégique pour les exploitations agricoles en Afrique. Avec une mécanisation encore très limitée dans les zones rurales du continent, les agriculteurs peinent à accéder à des outils essentiels : pompes à eau, systèmes de réfrigération, moulins ou équipements de séchage. Résultat : une faible productivité et des revenus restreints.
Un potentiel immense, une adoption encore lente
Dans de nombreuses régions, l’alimentation électrique repose sur des générateurs à diesel, coûteux et polluants. L’énergie solaire, propre et désormais plus accessible, apparaît comme une alternative crédible. Mais son adoption massive se heurte à plusieurs freins : coûts initiaux élevés, manque de sensibilisation et politiques publiques encore désarticulées.
Des entrepreneurs solaires en première ligne
Au Nigeria, Onimisi Charles Atere, jeune entrepreneur, a fondé Nimsy Agro Solar Concept pour fournir des solutions solaires adaptées aux besoins des agriculteurs. Pompes d’irrigation, équipements de transformation… son initiative a pris de l’ampleur grâce à un partenariat avec l’ONG Heifer International, qui a permis d’instaurer un système de paiement échelonné.
La hausse récente du prix du diesel, amplifiée par la fin des subventions, a renforcé l’intérêt pour les solutions alternatives. « Quand les gens voient une autre option, ils l’adoptent », affirme Habiba Ali, fondatrice de Sosai Renewable Energies, qui distribue une gamme de produits solaires.
Un maillon essentiel pour créer de la valeur
L’énergie solaire ne se limite pas à l’irrigation. En intégrant la transformation alimentaire au niveau local — mouture, conservation, conditionnement — les agriculteurs peuvent échapper à la pression des intermédiaires et conserver une plus grande part de la valeur ajoutée. Ce changement structurel pourrait renforcer durablement l’économie rurale.
Des politiques encore trop fragmentées
Mais pour que cette transition se généralise, une coordination plus forte est nécessaire. Trop souvent, les ministères de l’Énergie et de l’Agriculture fonctionnent en silos. Même des initiatives d’envergure comme « Mission 300 » de la Banque mondiale négligent parfois le lien entre accès à l’électricité et développement agricole. Sur 12 pactes énergétiques signés, seuls deux mentionnent concrètement l’agriculture.
Sensibiliser pour mieux équiper
Ce manque d’intégration entre les politiques publiques se reflète aussi sur le terrain : de nombreuses entreprises agroalimentaires ignorent les solutions énergétiques qui pourraient leur être utiles. Pour Carlos Sordo, expert en énergie renouvelable chez GOGLA, il est urgent de combler ce déficit d’information.
Vers un modèle économiquement viable
Au-delà de la sensibilisation, se pose la question de la rentabilité. Les projets solaires s’adressant uniquement aux petits producteurs dépendent souvent de subventions. Pour assurer leur pérennité, certaines entreprises cherchent à élargir leur clientèle vers des agro-industries plus structurées.
C’est le cas de CrossBoundary Access, qui mise sur les mini-réseaux pour électrifier les zones rurales. À Madagascar, l’entreprise a lancé avec ANKA un projet de 20 millions de dollars visant à connecter 62 000 personnes. Leur modèle « AgriGrid » repose sur un principe simple : stimuler la demande d’électricité en développant des activités agricoles génératrices de revenus.
Un avenir à concrétiser
L’énergie solaire pourrait jouer un rôle déterminant dans l’autonomisation économique des agriculteurs africains. Mais pour cela, il faudra lever les obstacles à l’investissement, renforcer les synergies entre acteurs publics et privés, et bâtir des modèles durables. L’Afrique a le soleil, reste à lui donner toute sa puissance productive.
