L’annonce est tombée ce 17 octobre : le géant chinois Zhejiang Huayou Cobalt va investir 400 millions de dollars pour construire une usine de production de sulfate de lithium au Zimbabwe. Ce n’est pas une simple transaction commerciale. C’est une capitulation stratégique et le premier résultat tangible d’une politique de souveraineté économique des plus radicales menées sur le continent. Harare a tapé du poing sur la table, fixant une ligne rouge à ses partenaires chinois : à partir de 2027, l’exportation de lithium non transformé sera interdite. Le message est clair : l’ère de l’extraction brute est terminée.
La Ligne Rouge de 2027 : l’Ultimatum de Harare
Le Zimbabwe, premier producteur de lithium d’Afrique, s’est retrouvé ces dernières années au cœur d’une véritable ruée minière. Des entreprises chinoises, dont Huayou, Sinomine et Chengxin, ont investi des milliards de dollars pour racheter la quasi-totalité des mines du pays. Mais le modèle restait le même : extraire le minerai, le concasser en concentré, et l’expédier en Chine pour le raffinage, laissant une valeur ajoutée minimale au Zimbabwe. En 2023, le gouvernement du président Emmerson Mnangagwa a pris une décision qui a fait l’effet d’une bombe : l’interdiction de toute exportation de concentrés de lithium à partir de 2027. C’est un pari à haut risque, forçant les plus grands investisseurs du pays à revoir intégralement leur modèle économique ou à partir.
Nous allons commencer la première production au début de l’année prochaine. La quantité de sulfate de lithium devrait dépasser 60 000 tonnes métriques.
Henry Zhu, Directeur Général, Prospect Lithium Zimbabwe
Du Minerai au Sulfate : Le Saut Stratégique de la Valeur
L’investissement de 400 millions de dollars de Huayou est la preuve que l’ultimatum fonctionne. L’entreprise, qui a déjà dépensé 300 millions de dollars en 2023 pour une simple usine de concentration, est contrainte de franchir l’étape suivante. Elle ne produira plus du minerai, mais du sulfate de lithium. C’est un saut de valeur colossal. Le sulfate de lithium est un produit chimique intermédiaire, la première étape du raffinage avant sa transformation en hydroxyde ou carbonate de lithium, les matériaux de qualité batterie. En 2024, Huayou a exporté 400 000 tonnes de concentré brut. En 2026, elle exportera un produit à bien plus haute valeur, qui sera produit sur le sol zimbabwéen.
La Concession des Géants Chinois
Huayou n’est pas un cas isolé. Face à la même menace réglementaire, son concurrent Sinomine a lui aussi annoncé des plans pour construire une usine de sulfate de lithium de 500 millions de dollars à sa mine de Bikita. Les géants chinois, qui traitent le Zimbabwe comme un allié stratégique, ont choisi de se plier à ses exigences plutôt que d’entrer en conflit. Ils acceptent de transférer une partie de leur technologie de raffinage en Afrique pour sécuriser leur approvisionnement à long terme.
Un Modèle pour le Continent ?
La stratégie du Zimbabwe, bien que menée par un régime autoritaire et économiquement fragile, est observée de près par toutes les capitales africaines. Elle contraste fortement avec la situation en RDC, où, malgré un code minier qui interdit l’exportation de minerais bruts, les entreprises obtiennent des dérogations massives. Harare n’a pas négocié, elle a imposé une date butoir. Ce « nationalisme des ressources » est un pari dangereux. Il suppose que le pays dispose d’une ressource suffisamment critique (le lithium) pour que les investisseurs n’aient d’autre choix que de se plier. Il exige également une stabilité politique et, surtout, une capacité énergétique que le Zimbabwe n’a pas encore totalement. Mais si ce pari réussit, il pourrait créer un précédent puissant, un véritable manuel pour l’industrialisation forcée, montrant à la RDC (cobalt) ou à la Guinée (bauxite) comment utiliser le levier de la loi pour enfin capter la valeur de leurs richesses.
