Ce n’est plus seulement un événement, c’est un baromètre. En célébrant sa dixième édition du 7 au 12 juillet 2025, la Lagos Startup Week (LSW) ne fait pas que fêter un anniversaire ; elle consacre la transformation de Lagos en une capitale incontournable de la tech mondiale, et pose une question fondamentale : comment l’Afrique va-t-elle « disrupter la prochaine décennie » ?
De l’Étincelle de 2015 à l’Incendie Tech des Années 2020
Lorsque Olumide Olayinka, Partner chez Prime Startups, a lancé la première LSW en 2015, l’idée était d’allumer un mouvement. Dix ans plus tard, le pari est plus que réussi. Lagos n’est plus en périphérie de la conversation mondiale sur l’innovation ; elle en est un acteur central. Les chiffres sont éloquents : la valeur de l’écosystème a été multipliée par 11,6 depuis 2017, dépassant des villes comme Istanbul. Les startups nigérianes, avec Lagos comme épicentre, ont attiré plus de 3,5 milliards de dollars en capital-risque. Plus symbolique encore, la ville a vu naître cinq « licornes » (des startups valorisées à plus d’un milliard de dollars) : Interswitch, Flutterwave, Jumia, OPay, et Moniepoint. Des noms comme Paystack, racheté pour plus de 200 millions de dollars par le géant américain Stripe, confirment que les solutions « made in Lagos » ont une pertinence et une valeur mondiales.
« Disrupting the Next Decade » : Plus qu’un Slogan, une Feuille de Route
Le thème de cette 10ème édition, « DND – Disrupting the Next Decade », est une déclaration d’intention. Il ne s’agit plus seulement de célébrer les succès passés, mais de se projeter. « C’est ici que le futur de l’Afrique est prototypé », affirme Olumide Olayinka. L’événement, qui attend plus de 5000 participants au Civic Centre de Lagos les 10 et 11 juillet pour sa conférence principale, mettra l’accent sur la résilience des fondateurs qui ne créent pas seulement des produits, mais « réécrivent des narratifs complets ». Les discussions porteront sur les stratégies pour construire et prospérer dans des marchés complexes, et sur la manière dont les innovations africaines, souvent nées dans des conditions difficiles (« des garages aux toits des villes »), peuvent atteindre une échelle continentale et mondiale.
Un « Who’s Who » de la Tech Africaine
La crédibilité de la LSW repose aussi sur la qualité de ses intervenants. Les éditions passées ont accueilli des figures mondiales comme Michael Seibel (Y Combinator) ou Steve Case (AOL). Pour son 10ème anniversaire, l’événement réunira à nouveau l’écosystème local et international. La première liste de speakers annonce la couleur : des fondateurs emblématiques comme Jason Njoku (IROKO) et Ngozi Dozie (Carbon), des investisseurs de premier plan tels que Tosin Faniro-Dada (Breega), Satoshi Shinada (Verod Kepple Africa Ventures) et Tito Cookey-Gam (Partech), ainsi que des acteurs clés de l’écosystème comme Aniedi Udo-Obong (Google) et Ireayo Oladunjoye (Endeavour Nigeria). Cette concentration d’acteurs fait de la LSW un lieu incontournable pour les levées de fonds, les partenariats stratégiques et la prise de pouls du marché.
Lagos, un Modèle sous Pression ?
Malgré cette trajectoire impressionnante, l’écosystème de Lagos, comme beaucoup de hubs émergents, fait face à des défis structurels. La concurrence pour les talents est féroce, les infrastructures (énergie, connectivité) restent un frein, et l’environnement macroéconomique (inflation, volatilité de la monnaie) peut rendre la vie des startups précaire. De plus, après des années d’euphorie, le capital-risque mondial s’est montré plus prudent, exigeant des modèles économiques plus solides et une voie plus claire vers la rentabilité. La prochaine décennie pour Lagos ne sera donc pas seulement celle de la « disruption », mais aussi celle de la consolidation et de la maturité.
Un Baromètre pour l’Avenir de l’Innovation en Afrique
En fin de compte, la Lagos Startup Week 2025 est bien plus qu’une conférence tech. C’est le reflet d’un continent qui refuse d’être un simple consommateur de technologie et qui revendique son rôle de créateur. C’est la démonstration qu’au-delà des défis, l’énergie entrepreneuriale, couplée à un marché de plus en plus connecté, peut produire des champions mondiaux. Pour les investisseurs, les entrepreneurs et les décideurs de toute l’Afrique, y compris de la zone Océan Indien, observer ce qui se passe à Lagos en juillet sera essentiel. Car comme le proclame l’événement, « le futur ne vient pas. Il se construit ici, maintenant ».