Un signal fort vient d’être envoyé aux marchés financiers. L’annonce d’un investissement de 50 millions de dollars de l’IFC (groupe Banque Mondiale) et de Proparco (groupe Agence Française de Développement) dans le nouveau véhicule d’Helios Investment Partners, « Helios Sports and Entertainment Group » (HSEG), est bien plus qu’une simple transaction. C’est la reconnaissance institutionnelle que l’économie créative africaine est une classe d’actifs stratégique. Comme l’a déclaré Makhtar Diop, Directeur Général de l’IFC, l’objectif est clair : « signaler aux autres investisseurs que le secteur est prêt pour du capital stratégique à long terme ».
L’Économie Créative, un Moteur de Croissance Quantifiable
Le rapport « Global Entertainment & Media Outlook » de PwC projette que les revenus de ce secteur en Afrique connaîtront l’une des plus fortes croissances au monde. Ce potentiel se matérialise déjà : la Basketball Africa League (BAL), partenaire d’Helios, a diffusé ses matchs dans 215 pays et territoires, générant des dizaines de millions de vues en ligne. De son côté, le festival Afro Nation a attiré plus de 40 000 participants lors de son édition au Ghana, avec un impact économique local estimé à plusieurs dizaines de millions de dollars. L’investissement d’Helios vise à industrialiser ce potentiel.
La Thèse d’Investissement : Construire un Écosystème Intégré
L’analyse du portefeuille d’HSEG révèle une stratégie sophistiquée. Helios ne mise pas sur des actifs isolés mais construit une chaîne de valeur complète pour capturer la valeur à chaque étape :
- Les Ligues (NBA Africa & PFL Africa) : Le modèle économique repose sur la monétisation de la propriété intellectuelle via les droits de diffusion médiatique, le sponsoring et le merchandising.
- Les Événements (Afro Nation) : La valeur est capturée par la billetterie, les partenariats sur site et les droits de retransmission.
- Les Infrastructures (Zaria Group) : La rareté des arénas aux standards internationaux est un goulet d’étranglement. Zaria Group vise à le résoudre en générant des revenus via la location des salles, les contrats de naming et un écosystème de services événementiels.
Un Impact Concret sur l’Emploi et les Compétences
L’implication de l’IFC et de Proparco est conditionnée à un impact mesurable sur le développement. Au-delà des artistes et des athlètes, cet écosystème est un gisement d’emplois qualifiés : techniciens de l’événementiel, spécialistes du marketing sportif, juristes spécialisés en PI, régisseurs et logisticiens. Les experts du secteur estiment que pour chaque emploi direct créé dans l’organisation, trois à cinq emplois indirects sont soutenus dans l’hôtellerie, la restauration et le transport. Cette vision fait écho au credo de Masai Ujiri, co-fondateur de Zaria Group, qui, à travers sa fondation « Giants of Africa », martèle que « le talent est partout, mais les opportunités ne le sont pas », et que la construction d’infrastructures est la clé pour transformer ce talent en une filière d’excellence.
Entre Potentiel et Périls : Les Risques d’un Secteur Émergent
L’investissement n’est pas sans risques. La faiblesse de la protection de la propriété intellectuelle est un défi majeur. Des rapports de l’UNESCO estiment que le piratage fait perdre à l’industrie créative nigériane, Nollywood inclus, plusieurs centaines de millions de dollars par an. À cela s’ajoutent la volatilité de la demande liée au pouvoir d’achat et la fragmentation des cadres réglementaires qui complique les opérations panafricaines.
L’Effet Catalyseur : Attirer le Capital Privé
En investissant les premiers, les IFD jouent un rôle de « dé-risquage ». Bien qu’il soit trop tôt pour nommer un investisseur ayant suivi ce signal précis, l’effet catalytique a été démontré dans d’autres secteurs. Dans les énergies renouvelables, les investissements initiaux de l’IFC et de Proparco dans des projets solaires, alors jugés risqués, ont créé un précédent qui a ouvert la voie à des milliards de dollars de capitaux privés. C’est ce même mécanisme qui est espéré ici. Ce fonds de 50 millions de dollars est un test et un appel d’air, un pari structuré sur l’actif le plus abondant du continent : son capital humain et créatif.

