Un spectre hante l’Afrique Australe : celui du géant aux pieds d’argile. Alors que l’Afrique du Sud, puissance économique historique du continent, peine à dépasser une croissance anémique de 1%, son voisin, le Mozambique, mise sur un retour en grâce de ses méga-projets gaziers pour relancer son économie. Ce chassé-croisé révèle les failles profondes du modèle sud-africain et les paris risqués de son voisin.
Le Malade Sud-Africain : une Croissance en Panne Sèche
Les chiffres sont sans appel. Avec une croissance prévue de seulement 1% en 2025, l’économie sud-africaine est incapable de créer les emplois nécessaires pour sa population et de réduire les inégalités criantes. La vidéo souligne un mal profond : le manque d’investissement du secteur privé, symptôme d’une confiance des entreprises au plus bas. Malgré une accalmie dans la crise des coupures d’électricité (« load shedding »), les investissements ne redémarrent pas. Les réformes structurelles, notamment au sein des mastodontes publics défaillants que sont Transnet (logistique) et Eskom (énergie), sont engagées mais nécessitent un « travail de fond considérable » et du temps avant de produire des effets tangibles. L’Afrique du Sud paie le prix de décennies de mauvaise gestion, de corruption et d’un manque de vision stratégique pour moderniser ses infrastructures vitales.
Mozambique : l’Espoir d’un Rebond Porté par le Gaz
À l’inverse, le Mozambique voit une lumière au bout du tunnel. Après des années de crise sécuritaire dans la province du Cabo Delgado qui avaient mis un coup d’arrêt à ses ambitions, l’horizon s’éclaircit. La banque Netbank prévoit une croissance de 2,5% en 2025, une nette amélioration par rapport à 2024, largement portée par la perspective de la reprise des projets de Gaz Naturel Liquéfié (GNL). L’annonce attendue de la reprise de la construction du projet terrestre de TotalEnergies, un investissement colossal de 20 milliards de dollars, est perçue comme le principal catalyseur de cette reprise économique. Ce projet, à lui seul, a le potentiel de transformer l’économie mozambicaine, d’attirer des investissements connexes et de générer des revenus substantiels pour l’État.
Deux Modèles, Deux Destins ?
La comparaison entre les deux pays est riche d’enseignements. L’Afrique du Sud illustre les dangers d’une économie diversifiée mais sclérosée par des rentes, une gouvernance défaillante et des infrastructures vieillissantes. Sa complexité et son inertie politique freinent les réformes. Le Mozambique, quant à lui, représente le modèle de l’économie « pari », misant sur une seule ressource (le gaz) pour opérer un saut qualitatif. Ce modèle offre un potentiel de croissance rapide, mais il est aussi porteur de risques immenses :
- La « Malédiction des Ressources » : Une dépendance excessive au gaz peut rendre l’économie vulnérable à la volatilité des prix mondiaux et décourager la diversification vers d’autres secteurs.
- Gouvernance et Transparence : La gestion de la manne gazière sera un test crucial. Le risque de corruption et de mauvaise allocation des revenus, qui pourraient ne pas bénéficier à la majorité de la population, est très élevé.
- Stabilité Sécuritaire : La reprise des projets GNL est entièrement conditionnée par la stabilisation durable de la situation sécuritaire au Cabo Delgado.
Les Leçons d’un Basculement Annoncé
Ce qui se joue en Afrique Australe est un avertissement. Pour l’Afrique du Sud, il y a une urgence absolue à accélérer les réformes structurelles pour restaurer la confiance des investisseurs et libérer le potentiel de son économie. Pour le Mozambique, le défi est de transformer l’aubaine gazière en un développement durable et inclusif, en évitant les pièges qui ont frappé tant d’autres pays riches en ressources naturelles. Pour les autres pays de la région, y compris ceux de l’Océan Indien, cette dynamique souligne l’importance de la bonne gouvernance, de la diversification économique et de la prudence face aux modèles de croissance basés sur une seule ressource. Le géant sud-africain n’est pas encore à terre, mais sa stagnation prolongée pourrait bien redessiner les équilibres de pouvoir économiques dans toute la partie sud du continent.