À trois mois de l’élection pour la présidence de la Fédération Camerounaise de Football (Fécafoot), le jeu se déroule non pas sur le gazon, mais dans les arcanes du droit et des rapports de force politiques. La candidature de l’icône nationale et président sortant, Samuel Eto’o, est au cœur d’une crise institutionnelle qui menace de paralyser l’instance dirigeante du football camerounais et met en lumière les risques d’une gouvernance défaillante.
La condamnation espagnole, péché originel du conflit
Tout part d’une condamnation pour fraude fiscale prononcée par un tribunal espagnol en 2022, qui a valu à Samuel Eto’o une peine de 22 mois de prison avec sursis. Selon les statuts de la Fécafoot de 2021 – ceux en vigueur lors de sa première élection et que le gouvernement considère comme les seuls valides – cette condamnation suffit à le disqualifier. Le texte est sans équivoque : il exclut toute personne condamnée par une juridiction nationale ou internationale.
Le coup de force juridique de la Fécafoot
Pour contourner cet obstacle, l’exécutif de la Fécafoot a orchestré une réforme de ses statuts en novembre 2023, une manœuvre largement perçue comme étant taillée sur mesure pour son président. Le nouveau texte assouplit les conditions, n’excluant plus que les peines de « prison ferme définitive accompagnée d’un mandat de dépôt » ou une « peine avec sursis supérieure à trois mois ». Une modification qui, comme par hasard, rend Eto’o de nouveau éligible. Cependant, le ministère des Sports a mis un veto cinglant. Dans une lettre du 19 août, le ministre Narcisse Mouelle Kombi a rappelé que ces modifications n’ayant jamais été approuvées par l’État, comme l’exige la loi, elles sont nulles et non avenues.
L’impossible dilemme, garantie d’instabilité
Samuel Eto’o est désormais face à un dilemme insoluble. S’il applique les statuts de 2021, il est automatiquement disqualifié. S’il utilise ceux de 2023, l’élection sera invalidée par le gouvernement ou contestée en justice. Dans tous les cas, le football camerounais se dirige vers une période de « batailles juridiques prolongées et de chaos institutionnel ». Cette incertitude est un poison pour une organisation de cette envergure.
Le coût économique d’une gouvernance en crise
Au-delà de la lutte de pouvoir, cette crise a un coût économique bien réel. La Fécafoot est une entité qui gère des millions de dollars en droits TV, en sponsoring et en subventions. L’instabilité et le risque juridique créés par cette situation sont des repoussoirs pour les partenaires commerciaux. Qui voudrait s’associer à une fédération dont le leadership est contesté et dont les processus électoraux sont viciés ? En paralysant l’institution, ce conflit empêche toute planification sérieuse et met en péril la santé financière d’un sport qui est un vecteur économique et social majeur pour le Cameroun
