La récente visite du ministre britannique pour l’Afrique, Lord Collins, à Harare pour y rencontrer le président Emmerson Mnangagwa, n’est pas une simple formalité diplomatique. Après près de trois décennies de relations glaciales, marquées par les sanctions et les critiques acerbes de l’ère Mugabe, ce réchauffement spectaculaire est le symptôme d’un bouleversement bien plus profond. Guidé par un pragmatisme économique absolu, le Royaume-Uni est contraint de mettre de côté les anciens griefs pour une raison simple, cachée sous le sol zimbabwéen : le lithium, l’or blanc du XXIe siècle.
Le Réveil tardif De l’Occident
La manœuvre britannique, qui ambitionne de sécuriser près d’un milliard de dollars d’accords commerciaux, est une réponse directe à une urgence stratégique : la sécurisation des chaînes d’approvisionnement pour sa propre transition énergétique et son industrie technologique. Sans un accès stable aux minéraux critiques comme le lithium, le cobalt ou les terres rares, toute ambition de construire des batteries pour voitures électriques ou des composants électroniques de pointe est vaine. Le Zimbabwe, qui possède les plus grandes réserves de lithium d’Afrique, est soudainement passé du statut de paria à celui de partenaire incontournable.
Un Damier Géopolitique Déjà dominé Par Pékin
Cependant, le Royaume-Uni arrive sur un terrain largement conquis. Tandis que l’Occident sanctionnait, la Chine investissait. Au cours de la dernière décennie, des géants chinois comme Sinomine Resource Group, Huayou Cobalt et Chengxin Lithium ont méthodiquement pris le contrôle des plus importants gisements du pays, injectant des milliards de dollars dans des projets comme les mines de Bikita et d’Arcadia. Ils n’ont pas seulement acheté des ressources ; ils ont construit des infrastructures, des usines de traitement et ont développé une emprise quasi totale sur le secteur. L’offensive de charme britannique est donc une tentative audacieuse de ne pas se laisser exclure d’une des régions les plus stratégiques au monde pour l’avenir de l’énergie.
La Stratégie du Zimbabwe : l’Art de faire Monter les Enchères
Loin d’être un pion passif, le gouvernement du président Mnangagwa joue sa propre partition avec une habileté certaine. Conscient de sa position de force, le Zimbabwe a pris une décision radicale fin 2022 : interdire l’exportation de lithium brut. Ce geste n’est pas anodin. Il force tous les investisseurs, qu’ils soient britanniques, chinois ou autres, à ne plus se contenter d’extraire et d’expédier le minerai. Ils doivent désormais investir localement dans des usines de raffinage et de traitement pour transformer la matière première en produits à plus haute valeur ajoutée. C’est une stratégie classique de montée en gamme, visant à créer des emplois qualifiés, à développer une expertise locale et à maximiser les revenus pour l’État zimbabwéen.
Une Nouvelle Alliance à l’épreuve Des Réalités
Ce nouveau chapitre des relations anglo-zimbabwéennes est donc un pari pour les deux camps. Pour le Royaume-Uni, il s’agit de prouver que ses offres d’investissement peuvent rivaliser, en termes de rapidité et d’ampleur, avec celles de la Chine, tout en y associant potentiellement des standards de gouvernance et de transparence plus élevés. Pour le Zimbabwe, l’enjeu est de tirer profit de cette rivalité pour accélérer son développement, sans tomber dans le piège de la corruption ni laisser les bénéfices de cette manne minière être captés par une petite élite. L’avenir de cette alliance ne dépendra pas des discours diplomatiques, mais bien de la capacité des deux nations à bâtir un partenariat économique équilibré, au milieu d’un échiquier mondial où chaque tonne de lithium compte.
