Après plus de trois ans d’un arrêt brutal causé par la guerre, l’espoir renaît pour le mégaprojet de Gaz Naturel Liquéfié (GNL) au Mozambique. Mais cette résurrection a un prix. Selon des informations révélées par Reuters, le gouvernement de Maputo aurait conclu un nouvel accord avec TotalEnergies, en acceptant des conditions bien plus favorables pour convaincre le géant français de relancer son chantier à 20 milliards de dollars.
Des Concessions Majeures pour Rassurer l’Investisseur
Stoppé en avril 2021 suite à une attaque jihadiste majeure près du site d’Afungi, dans la province de Cabo Delgado, le projet Mozambique LNG est la pierre angulaire de l’avenir économique du pays. Pour le faire redémarrer, le gouvernement mozambicain a dû mettre sur la table des garanties que TotalEnergies ne pouvait refuser. Au cœur du nouvel accord se trouve une concession de taille : l’État mozambicain aurait accepté de prendre en charge une part plus importante des coûts liés à la sécurité du projet.
Concrètement, cela signifie que le fardeau financier de la protection d’un périmètre aussi sensible, auparavant largement imputé au consortium pétrolier, sera désormais partagé, voire majoritairement supporté par Maputo. C’est un aveu de la part du gouvernement que la sécurité ne peut être garantie sans un engagement financier direct de l’État, et une manière de « dé-risquer » l’investissement pour TotalEnergies et ses partenaires. Des ajustements sur les termes fiscaux du contrat initial seraient également sur la table pour compenser les surcoûts et les retards accumulés par le groupe français.
Cabo Delgado : Une « Pax Rwandana » Suffisante pour un Pari à 20 Milliards ?
Ces négociations n’ont été rendues possibles que par une amélioration notable de la situation sécuritaire au Cabo Delgado. L’intervention, depuis 2021, de plusieurs milliers de soldats de la force régionale de la SADC et, surtout, du Rwanda, a permis de repousser les groupes insurgés et de reprendre le contrôle des zones clés. Le gouvernement de Maputo s’appuie sur ce succès militaire pour projeter une image de stabilité et convaincre les investisseurs que le pire est passé.
Cependant, la question demeure : cette paix est-elle durable ou n’est-elle qu’un vernis fragile ? De nombreux analystes estiment que la menace insurrectionnelle, bien qu’affaiblie, n’est pas éradiquée. La paix actuelle repose en grande partie sur la présence de troupes étrangères. Le redémarrage d’un projet d’une telle envergure est donc un pari audacieux sur la capacité du Mozambique et de ses alliés à maintenir cette pression sécuritaire sur le long terme.
L’Impératif Économique : Le « Quoi qu’il en Coûte » de Maputo
La volonté du Mozambique de faire des concessions s’explique par une urgence économique absolue. Le pays a tout misé sur le gaz. Les revenus attendus de l’exploitation du GNL sont colossaux et doivent permettre de financer le développement du pays, de rembourser sa lourde dette et de changer sa trajectoire économique. Sans ce projet, l’avenir financier du Mozambique est sombre. Face à cet impératif, le gouvernement est dans une logique du « quoi qu’il en coûte » pour s’assurer que les milliards de dollars d’investissement ne partent pas en fumée et que les exportations de gaz puissent enfin commencer.
Un Contrat Léonin, Miroir d’un Rapport de Force
La position de TotalEnergies est celle d’un acteur prudent mais conscient de sa force. D’un côté, le groupe français ne peut se permettre un échec cuisant qui mettrait en péril ses employés et ses actifs. Il doit donc obtenir des garanties maximales. De l’autre, la demande mondiale de GNL, renforcée par les tensions géopolitiques en Europe, rend le projet mozambicain extrêmement attractif et stratégique. En obtenant que l’État mozambicain paie une partie de l’assurance sécurité, TotalEnergies maximise son retour sur investissement potentiel.
Ce nouvel accord, bien que non encore officiel, est le reflet d’un rapport de force déséquilibré. D’un côté, une nation en développement, riche en ressources mais déstabilisée et désespérée. De l’autre, une multinationale puissante qui a les moyens d’attendre les conditions les plus favorables. Le Mozambique est sur le point de relancer le projet qui doit le rendre riche, mais probablement à un prix plus élevé que celui qu’il avait initialement imaginé.