À travers l’Afrique, une autre économie prospère loin des projecteurs institutionnels : celle des vendeurs de rue, des artisans numériques, des réparateurs, des micro-agriculteurs urbains. Invisibles aux yeux de l’administration, absents des statistiques officielles, ces entrepreneurs du terrain forment pourtant la colonne vertébrale d’une grande partie des économies nationales.
Loin des salons climatisés et des incubateurs financés à coups de millions, ils créent de la valeur dans des conditions souvent précaires, avec une résilience que peu de systèmes formels peuvent égaler. Voici pourquoi leur reconnaissance est une urgence stratégique.
1. Ils Innovent sans les Mots-clés
L’innovation ne se limite pas aux startups ni aux levées de fonds. Qu’il s’agisse de transformer une remorque en kiosque mobile ou de créer une application via WhatsApp sans ligne de crédit, l’entrepreneur du terrain adapte et invente, avec les moyens du bord. Son intelligence est contextuelle, souvent empirique, mais toujours orientée vers la résolution concrète de problèmes réels. Pourtant, cette inventivité n’entre dans aucune case de l’innovation « labellisée » par l’État ou les bailleurs.
2. Ils Structurent l’économie informelle, Sans en être Récompensés
Dans de nombreuses villes africaines, ce sont eux qui distribuent les produits agricoles, assurent la mobilité urbaine, offrent des services de proximité, et parfois même suppléent les institutions défaillantes. Loin d’être marginaux, ces entrepreneurs structurent des écosystèmes économiques parallèles, agissant comme amortisseurs sociaux. Ils fournissent du travail, génèrent des revenus, mais n’accèdent ni aux financements classiques, ni à la protection sociale.
3. Ils font Plus avec Moins
Pas de subvention. Pas de formation sponsorisée. Pas d’allègement fiscal. Et pourtant, ces entrepreneurs continuent d’exister, voire de croître. Grâce à des circuits de débrouille, de la solidarité communautaire, ou une discipline budgétaire de survie, ils parviennent à équilibrer leurs activités sans soutien externe. Une rentabilité de terrain, souvent à haut risque, mais d’une efficacité brute rarement reconnue.
4. Ils veulent être Formalisés, mais pas à N’importe quel Prix
Contrairement aux préjugés, beaucoup d’entrepreneurs informels souhaitent se formaliser : pour protéger leur activité, accéder à des marchés plus larges, ou transmettre leur entreprise. Mais les processus actuels de formalisation sont souvent inadaptés : coûteux, opaques, bureaucratiques. L’État demande des comptes à ceux qu’il n’a jamais accompagnés. Il est temps de construire une formalisation incitative, progressive et protectrice.
5. Ils incarnent une Nouvelle génération de Leadership économique
Il ne s’agit pas de misérabilisme. Le leadership économique ne se limite plus aux élites diplômées. Dans les ruelles, les marchés, les quartiers populaires, émerge une génération d’entrepreneurs autodidactes, digitaux, connectés, formés par la pratique. Ils ne demandent pas l’aumône publique, mais des règles du jeu équitables : accès à la commande publique, infrastructures de base, microcrédits fonctionnels, sécurité juridique
L’économie du terrain est l’économie réelle. Celle qui nourrit, transporte, soigne, équipe. Elle n’est ni informelle par choix, ni marginale par nature. Elle est simplement le reflet d’un système institutionnel qui a trop longtemps ignoré l’économie qui se passe sans lui.
Plaider pour ces entrepreneurs, c’est plaider pour une vision inclusive, pragmatique et souveraine du développement. Car il n’y aura pas de croissance durable sans intégrer pleinement ceux qui, chaque jour, font vivre l’économie malgré l’oubli.