La CEDEAO change de visage, mais les défis restent les mêmes.
Le président sierra-léonais Julius Maada Bio a été désigné, dimanche dernier, président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Un poste stratégique, mais dont l’influence est fragilisée par des vents contraires : désunion politique, instabilité sécuritaire et perte de légitimité dans plusieurs pays membres.
Un mandat miné par l’urgence
Élu pour redorer l’image de la CEDEAO et relancer son projet d’intégration régionale, Bio a rapidement affiché ses priorités : renforcement de la démocratie, coopération sécuritaire, intégration économique et restauration de la crédibilité institutionnelle. « Nous faisons encore face à l’insécurité dans le Sahel et sur les côtes, au terrorisme, à l’instabilité politique, aux trafics d’armes et au crime organisé transfrontalier », a-t-il déclaré lors de son investiture.
Ce programme ambitieux arrive cependant à un moment où la CEDEAO est plus affaiblie que jamais.
Des fractures internes béantes
Trois pays — le Mali, le Burkina Faso et le Niger — ont claqué la porte de l’organisation après une série de coups d’État militaires entre 2020 et 2023. Tous ont formé leur propre alliance défensive, l’Alliance des États du Sahel, rompant avec les partenaires occidentaux au profit de nouvelles coopérations sécuritaires avec la Russie.
Le cas du Niger reste particulièrement symbolique. Bio était à la tête de la Sierra Leone lorsque la CEDEAO a imposé des sanctions économiques sévères au régime militaire nigérien, évoquant même une possible intervention armée. Ces mesures ont été largement perçues par les autorités nigériennes comme hostiles, ce qui a contribué à leur décision de quitter la CEDEAO en 2023.
Un contexte national sous tension
Sur le plan intérieur, Julius Maada Bio n’est pas en terrain conquis. Réélu en 2023 dans un climat tendu, il fait face à une crise économique persistante, aggravée par une flambée des drogues synthétiques qui gangrène la jeunesse urbaine. Un contraste saisissant avec la stature régionale qu’il s’apprête à incarner.
Un avenir incertain pour la CEDEAO
Créée en 1975 pour renforcer l’intégration régionale, la CEDEAO traverse aujourd’hui la plus grave crise de son histoire. Le départ de trois membres clés, combiné à la montée des menaces terroristes et à la remise en cause de ses mécanismes démocratiques, l’oblige à se réinventer — ou à risquer l’effondrement.
À 60 ans, Bio joue désormais sa crédibilité sur deux fronts : stabiliser une institution régionale fragilisée, tout en répondant aux urgences internes de son propre pays. Un équilibrisme politique délicat, dans une région où chaque faux pas peut coûter cher.