Elle coule, limpide, familière. On l’ouvre sans y penser, comme un geste acquis. Pourtant, dans bien des régions du monde — et même tout près de chez nous — l’eau ne va plus de soi. Les robinets se taisent, et les vies vacillent. Ce n’est plus une crise à venir, c’est une réalité en marche.

Une ressource en déclin silencieux
« L’eau est la force motrice de toute la nature », écrivait Léonard de Vinci. Pourtant, la nature, elle aussi, commence à manquer de cette force vitale. Sécheresses à répétition, nappes phréatiques à sec, pollution des sources… Le dérèglement climatique n’épargne pas l’or bleu. En Afrique australe, à Madagascar, dans certaines zones de Mayotte, les coupures deviennent la norme. Les cruches remplacent les tuyaux. Le rationnement supplante la routine.
L’eau, bien commun, glisse lentement vers le statut de ressource rare. Elle devient objet de convoitise, enjeu géopolitique, voire économique. Des quartiers entiers vivent désormais au rythme des citernes, guettant le passage des camions-citernes comme autrefois celui du marchand ambulant.
Quand l’eau manque, tout vacille
Il n’y a pas de vie sans eau. Et quand elle vient à manquer, ce sont les chaînes les plus fragiles qui cèdent. Les enfants manquent l’école, les mères marchent des heures pour quelques litres d’eau douteuse, les hôpitaux fonctionnent au ralenti, et les cultures dépérissent. Chaque goutte devient un calcul, un renoncement.
À Ambovombe, au sud de Madagascar, les enfants boivent une eau saumâtre, partagée avec le bétail. À Majunga, les bidons jaunes attendent des jours entiers pour être remplis. Dans les rues de Mamoudzou, ce sont les seaux qui font la queue à la borne fontaine. Ce n’est plus une image d’Épinal, c’est le quotidien de millions d’Africains de l’Est et de l’océan Indien.

Des causes humaines, des solutions humaines
La pénurie d’eau n’est pas une fatalité. Elle est aussi le fruit de notre négligence : déforestation, urbanisation galopante, gestion inefficace, infrastructures vétustes ou corrompues. Pourtant, des solutions existent. Réparer les réseaux, récupérer les eaux de pluie, protéger les bassins versants, repenser notre consommation domestique ou agricole.
Mais surtout, reconnaître que l’eau n’est pas un dû éternel. Il est urgent d’ancrer dans les esprits que chaque litre compte, que chaque geste préserve ou gaspille.
Quand les silences deviennent des cris
Il y a dans le silence d’un robinet sec quelque chose de profondément troublant. Ce n’est pas seulement l’absence d’un liquide. C’est l’annonce d’une rupture. Une rupture entre l’humain et son environnement, entre le confort et la survie, entre ce que nous croyions inépuisable et ce que nous avons laissé s’éteindre.
Il ne s’agit pas de sombrer dans l’alarmisme, mais de réveiller une conscience. L’eau n’est pas un privilège, c’est un droit. Mais un droit qui s’érode à mesure que nous détournons le regard. Dans un monde où tout s’achète, que restera-t-il quand même l’eau se vendra au compte-goutte ?
Peut-être qu’un jour, nos enfants liront dans les manuels : « Autrefois, on tournait un robinet, et l’eau venait ». Ne faisons pas de cette phrase une légende.