Il suffit d’un écran. Quelques couleurs qui bougent, une voix aiguë, un jingle entraînant. Et l’enfant est captivé. En quelques minutes, il entre dans un monde qui n’est plus tout à fait le nôtre, mais qui s’impose comme son référent, son miroir, son professeur. Les dessins animés, si anodins en apparence, sont devenus les compagnons quotidiens de millions d’enfants. Mais que leur transmettent-ils vraiment ?
1. Un formidable vecteur d’apprentissage
Avant même d’entrer à l’école, beaucoup d’enfants apprennent à compter, à reconnaître les couleurs, à chanter ou même à dire « merci » grâce aux dessins animés. Des séries comme Dora l’exploratrice, Pocoyo ou Tinga Tinga Tales introduisent des mots, des sons, des langues parfois, de manière ludique. L’apprentissage se fait par immersion, sans contrainte. L’enfant, dans sa plasticité cognitive, absorbe, imite, reproduit.
2. Un langage codé qui façonne le comportement
Mais les dessins animés ne se contentent pas de transmettre des savoirs. Ils transmettent aussi des comportements. Héros courageux ou méchants caricaturaux, stéréotypes de genre, résolutions de conflits par la violence ou l’humour : l’univers animé forge chez l’enfant une manière de voir le monde, d’interagir avec lui. Quand Peppa Pig tape du pied pour avoir gain de cause, ou que Tom et Jerry se pourchassent à coups de poêle, l’enfant enregistre. Même inconsciemment.

3. Une passerelle entre générations… parfois
Les dessins animés sont aussi un lien social. Un langage commun entre enfants d’un même âge, entre parents et enfants parfois, entre cultures. Revoir un épisode de Wakfu ou chanter les paroles de Hakuna Matata peut déclencher une émotion partagée. Mais cette passerelle se rompt si le parent délègue entièrement à l’écran la responsabilité de divertir ou d’éduquer. Le moment devient alors solitude plus que complicité.
4. Une machine commerciale bien huilée
Derrière chaque épisode, une industrie veille. Chaque personnage devient une figurine, un T-shirt, une céréale, un jouet connecté. Le dessin animé est souvent le premier contact de l’enfant avec la publicité, bien avant qu’il ne sache lire. Le cerveau en développement est une cible de choix. Et les parents, souvent pris entre culpabilité et fatigue, cèdent. Car l’enfant qui regarde, c’est aussi un enfant qui ne crie pas. Un enfant qui « laisse tranquille ».
5. Le risque d’une éducation sous écran
À mesure que les écrans prennent plus de place, le temps d’interaction réelle diminue. Les conversations, les jeux en plein air, les câlins sans arrière-fond sonore deviennent plus rares. Le dessin animé n’est pas un mal en soi. Il devient problématique lorsqu’il remplace, et non complète, les autres formes d’apprentissage et de lien. Lorsqu’il se substitue au rôle du parent, ou du monde réel.
Dans un monde saturé d’images, les dessins animés ne sont ni de simples divertissements, ni de dangereux ennemis. Ils sont des outils puissants — à double tranchant. Leur potentiel éducatif est réel, mais leur portée commerciale l’est tout autant. Ce sont des récits, des valeurs, des normes, des modèles qui façonnent les esprits dès le plus jeune âge.
À nous, adultes, revient la tâche de ne pas déléguer aveuglément. De questionner ce que nos enfants regardent, d’en parler avec eux, d’accompagner plutôt que de subir. Car chaque écran peut devenir une ouverture sur le monde… ou une cage dorée.