Dans un contexte mondial tendu, la dette envers le FMI pèse lourdement sur de nombreux pays africains. Qui sont les plus exposés en avril 2025 ? Analyse des risques pour le développement et la souveraineté économique du continent.
Un Endettement Croissant dans un Climat Économique Dégradé
Inflation persistante, hausse des taux d’intérêt mondiaux, resserrement des conditions financières, instabilité géopolitique… Le cocktail économique mondial actuel est particulièrement amer pour les économies africaines vulnérables. Dans ce climat, le poids de la dette publique revient au centre des préoccupations, et plus spécifiquement l’encours dû au Fonds Monétaire International (FMI). Si le Fonds joue un rôle de prêteur en dernier ressort lors de crises, un endettement structurellement élevé envers l’institution de Washington soulève des questions fondamentales sur la trajectoire de développement et l’autonomie politique des pays concernés.
Le Palmarès d’Avril 2025 : Qui Est le Plus Exposé ?
Selon les données publiées par le FMI et relayées par des médias comme Business Insider Africa, la situation de l’endettement envers le Fonds évolue constamment. En avril 2025, dix pays africains concentraient la majeure partie du crédit FMI en cours sur le continent. L’Égypte dominait largement ce classement, suivie de près par plusieurs économies majeures ou en difficulté. Notons l’entrée de la Tanzanie dans ce Top 10 en avril, remplaçant le Maroc qui a effectué d’importants remboursements.
Top 10 des Pays Africains avec la Dette FMI la Plus Élevée (Avril 2025)
(Source : Données FMI via Business Insider Africa, montants en USD au 22/04/2025)
Rang | Pays | Encours Total du Crédit FMI ($) |
1. | Égypte | 8 625 542 517 |
2. | Kenya | 3 022 009 900 |
3. | Angola | 2 839 508 338 |
4. | Côte d’Ivoire | 2 628 428 440 |
5. | Ghana | 2 461 285 000 |
6. | RDC | 1 789 100 000 |
7. | Éthiopie | 1 460 452 500 |
8. | Cameroun | 1 182 660 000 |
9. | Sénégal | 1 019 300 000 |
10. | Tanzanie | 1 009 260 000 |
Les Lourdes Conséquences de la Dépendance au Fonds
Un niveau élevé et persistant de dette FMI n’est pas sans conséquences. La charge la plus immédiate est budgétaire : le service de la dette (remboursement du capital et paiement des intérêts) absorbe une part croissante des ressources publiques, évincant d’autant les dépenses sociales pourtant cruciales dans des secteurs comme la santé, l’éducation ou la protection sociale, ainsi que les investissements productifs en infrastructures. Des rapports d’ONG comme ActionAid soulignent que les paiements d’intérêts dépassent souvent les budgets de santé ou d’éducation dans de nombreux pays africains.
Au-delà du fardeau financier, la dépendance au FMI s’accompagne de conditionnalités souvent strictes. Les programmes d’ajustement structurel, bien que visant à restaurer la stabilité macroéconomique, imposent fréquemment des mesures d’austérité budgétaire, des privatisations, des dévaluations ou des réformes fiscales qui peuvent avoir un coût social élevé à court terme et réduire la marge de manœuvre des gouvernements pour définir leurs propres politiques de développement. Cette perte de souveraineté économique est une critique récurrente adressée aux institutions de Bretton Woods.
Kenya, Ghana… La Quête Continue (et Risquée) de Financements
Plusieurs pays du Top 10 illustrent cette dynamique complexe. Le Kenya, malgré un encours déjà élevé, a récemment échoué à sa neuvième revue de programme FMI (faute d’avoir atteint les objectifs de recettes fiscales et de réformes structurelles) et sollicite déjà un nouveau programme. Le Ghana, également sous programme FEC (Facilité Elargie de Crédit), vient de conclure un accord technique avec le FMI pour sa quatrième revue, débloquant de nouveaux fonds mais témoignant d’une performance « détériorée » fin 2024. Ces situations illustrent le cercle vicieux potentiel : les difficultés économiques poussent à recourir au FMI, dont les conditions peuvent rendre la sortie de crise plus ardue ou socialement coûteuse, menant potentiellement à de nouveaux besoins de financement.
Échapper au Piège : Diversification, Transparence, Discipline
Comment rompre ce cycle ? Les pistes évoquées par les experts et certaines institutions convergent :
- Diversification économique : Réduire la dépendance aux exportations de quelques matières premières volatiles et développer des secteurs à plus forte valeur ajoutée, notamment via le commerce intra-africain promu par la ZLECAf.
- Mobilisation des ressources internes : Améliorer la collecte des impôts et élargir l’assiette fiscale pour réduire la dépendance à l’endettement extérieur.
- Transparence et bonne gouvernance : Assurer la transparence dans la contraction et la gestion de la dette publique, et lutter contre la corruption qui détourne les ressources.
- Discipline budgétaire : Gérer les finances publiques de manière prudente et soutenable à long terme.
Repenser la Relation Afrique-FMI pour un Développement Soutenable
La forte concentration de la dette FMI sur certains pays africains soulève des questions fondamentales sur la soutenabilité du modèle actuel et la nécessité d’une approche renouvelée. Si l’intervention du Fonds peut être indispensable pour éviter un effondrement financier à court terme, les conditionnalités et les niveaux d’endettement atteints posent un risque majeur pour le développement durable et la souveraineté économique à long terme.Sortir de ce piège potentiel exige non seulement des réformes domestiques courageuses axées sur la diversification, la gouvernance et la transparence, mais aussi une réflexion globale sur l’architecture financière internationale. Cela inclut l’exploration de mécanismes de restructuration de dette plus efficaces et équitables (le Cadre Commun du G20 étant souvent jugé insuffisant), la promotion de sources de financement alternatives (banques régionales, marchés de capitaux locaux, finance climat/bleue…) et potentiellement une révision des modalités d’intervention du FMI lui-même pour mieux intégrer les impératifs sociaux et de développement à long terme des pays africains.