Deux ans après le début de la guerre civile, l’économie soudanaise est anéantie. Hyperinflation, famine, millions de déplacés : le conflit SAF-RSF plonge le pays dans une crise humanitaire et économique sans précédent, aux conséquences régionales graves. Analyse d’un désastre annoncé.
Chronologie d’un Effondrement Économique Annoncé
Le 15 avril 2023 marquait le début d’une lutte acharnée pour le pouvoir entre l’armée régulière soudanaise (SAF) du général Abdel Fattah al-Burhan et les paramilitaires des Forces de Soutien Rapide (RSF) de Mohamed Hamdan Dagalo, dit « Hemedti ». Deux ans plus tard, ce conflit a transformé un pays déjà fragile en l’une des pires zones de crise au monde. Au-delà du bilan humain effroyable, c’est toute la structure économique du Soudan qui s’est désintégrée, laissant derrière elle un paysage de ruines et une population exsangue.
Hyperinflation, Pénuries : Le Quotidien Invivable des Soudanais
L’impact économique le plus immédiat pour la population est une hyperinflation dévastatrice. Après avoir, selon certaines estimations, frôlé les 200% en 2024, le FMI projetait encore une inflation à trois chiffres pour 2025 dans ses perspectives régionales. Dans les zones encore relativement fonctionnelles comme Port-Soudan, les prix des denrées de base ont explosé, rendant la nourriture inaccessible pour une majorité. Les pénuries sont généralisées. Cette situation alimente une crise alimentaire majeure : l’ONU et l’UNICEF estiment que près de 30 millions de personnes, dont la moitié d’enfants, nécessiteront une aide humanitaire d’urgence en 2025, avec des situations de famine confirmées ou imminentes dans plusieurs régions.
Le Cœur Productif en Miettes : Agriculture et Infrastructures Ciblées
La guerre a méthodiquement détruit les capacités productives du pays. L’agriculture, pilier de l’économie et de la subsistance, est sinistrée. La production céréalière aurait chuté de près de 50% par rapport aux niveaux d’avant-guerre, selon les agences onusiennes. L’État de Gezira, autrefois grenier à blé du pays, est devenu un champ de bataille où pillages de récoltes et destructions d’infrastructures agricoles sont monnaie courante. Le secteur vital de la gomme arabique, dont le Soudan était le premier exportateur mondial, est quasiment à l’arrêt. Les bombardements incessants n’épargnent ni les marchés, ni les hôpitaux, ni les infrastructures essentielles (eau, électricité), paralysant toute activité économique formelle.
Exode Massif et Aide Humanitaire Sous Pression
Face à cette violence et à cet effondrement, la population fuit massivement. Le HCR recense plus de neuf millions de personnes déplacées au total (internes et réfugiés), dont une large part ayant cherché refuge dans les pays voisins (Tchad, Soudan du Sud, Égypte notamment), exerçant une pression immense sur ces derniers. Des millions d’autres sont déplacés à l’intérieur du pays, totalement dépendants de l’aide internationale. Or, cette aide est elle-même entravée par l’insécurité, les blocages administratifs et des financements très insuffisants face à l’ampleur des besoins (plan humanitaire largement sous-financé).
Implications Régionales et Internationales : Un Conflit aux Effets Diffus
L’implosion économique et humanitaire du Soudan a des répercussions régionales profondes. L’afflux de réfugiés déstabilise les pays voisins. La paralysie du Soudan perturbe les flux commerciaux régionaux et alimente les trafics. Sur le plan géopolitique, le conflit est devenu un terrain d’affrontement par procuration pour diverses puissances, complexifiant davantage toute perspective de résolution. Les appels à un cessez-le-feu, y compris ceux du G7 ou de l’Union Africaine, restent largement ignorés par les belligérants.
Aucune Issue en Vue : Perspectives Économiques Sombres
Deux ans après le début du conflit, aucune solution politique ne se dessine. Les institutions soudanaises sont exsangues, le tissu économique est en lambeaux et la fracture humanitaire s’approfondit de jour en jour. La reconstruction économique du Soudan, le jour où les armes se tairont enfin, représentera un défi colossal qui nécessitera une mobilisation internationale massive et coordonnée, et surtout, une volonté politique interne aujourd’hui inexistante. En attendant, le pays continue sa descente aux enfers économiques et humains.